L'Oise Agricole 30 janvier 2025 a 08h00 | Par Christophe Soulard

France Stratégie demande plus de sobriété sur l'eau en agriculture

France Stratégie a rendu public, le 20 janvier, un rapport intitulé «Quelle évolution de la demande en eau d'ici 2050 ?» dont l'organisme a débattu lors d'un colloque le lendemain à Paris. Si cette étude balaie l'ensemble des consommations à venir, elle s'inquiète d'un recours accru à l'irrigation.

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- © Réussir

À l'automne 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait commandé une étude sur la gestion territorialisée de l'eau. Elle lui avait en réalité été soufflée par le Secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion. L'objectif était double : premièrement, anticiper les inévitables conflits d'usages liés à l'eau et deuxièmement, préparer une grande conférence sur le sujet de l'eau, une idée reprise par Michel Barnier puis par l'actuel chef du gouvernement, François Bayrou, mais sans cesse repoussée.


Feux au rouge
L'étude dresse un état des lieux des consommations industrielles, agricoles, résidentielles, énergétiques (etc.) et se concentre sur quarante bassins versants, en projetant jusqu'en 2050, trois scénarios. Le premier envisage que personne ne change ses pratiques ; le deuxième s'appuie sur l'application des politiques publiques avec, notamment, celle du Plan eau avec la Réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Quant au troisième, il s'appuie sur une rupture totale «qui se caractérise par une sobriété et une efficacité accrue pour tous les usagers», précise le rapport. Considérant que le réchauffement climatique (+1,4°C en 2024 et +4°C à l'horizon 2100) a diminué le volume de précipitations de 10 %, soit 50 milliards de mètres cube d'eau (Mdm3) sur les 500 Mdm3 qui tombent chaque année en France, «il faut avoir une nouvelle approche de la gestion de l'eau et réfléchir d'une manière différente de celle qui nous a gouvernés ces cinquante dernières années», a indiqué Antoine Pellion, en ouverture du colloque.
Sans surprise, c'est l'agriculture qui est clairement dans le viseur de France Stratégie. En effet, quel que soit le scénario, tous les feux de l'agriculture sont au rouge. Car du fait du réchauffement climatique et de la hausse des températures, les besoins en eau s'accroissent. France Stratégie table sur une augmentation de 50 % des surfaces irriguées d'ici vingt-cinq ans. Même dans le scénario de rupture, celles-ci augmenteraient encore de +12 % sur la même période. Cette étude a permis au vice-président des Chambres d'agriculture France, Luc Servant, en charge du dossier de l'eau, de défendre l'actuel modèle agricole. Lors de la table-ronde du 21 janvier, il a rappelé que «l'irrigation sécurise la production agricole, qu'elle crée de la valeur ajoutée, participe à la souveraineté alimentaire, qu'elle contribue à l'économie des territoires et qu'elle diversifie les productions. Je suis irrigant et sur mon exploitation, j'ai dix cultures différentes quand mon voisin qui n'est pas irrigant, n'en a que trois», a-t-il déclaré.


Réserves de substitution
Si le rapport n'aborde pas la question de la disponibilité de la ressource, thème qui fera l'objet d'un rapport «d'ici trois mois», promet-on à France Stratégie, il appelle ni plus ni moins à privilégier le scénario de rupture qui verrait les Français changer de régime alimentaire. Le leitmotiv est le même : réduire de 50 % la consommation de viande d'ici 2050 par rapport à la consommation actuelle. Dans ce scénario, les surfaces destinées à l'alimentation animale diminuent considérablement : -11 % de prairies temporaires et -58 % de cultures fourragères.
En contrepartie, les «experts» de France Stratégie veulent, pour végétaliser les assiettes, doubler les surfaces en légumes frais et en arboriculture et multiplier par cinq les surfaces dédiées aux protéines végétales, avec l'objectif de contenir l'irrigation... «On ne peut pas traiter l'agriculture comme les autres secteurs d'activité» que sont le nucléaire, les industries, le résidentiel, a rappelé Luc Servant qui met en avant la souveraineté alimentaire. Celle-ci nécessite les moyens de gérer intelligemment la ressource, par «la mise en place de retenues de substitution».
Les étés secs de 2020 à 2022 et les étés pluvieux de 2023 et 2024 militent pour cette approche. Martin Gutton, délégué interministériel chargé de la gestion de l'eau en agriculture, abonde dans ce sens. S'il estime que l'échelon territorial, c'est-à-dire du SDAGE lui semble le plus pertinent, il entend «avancer sur les réserves de substitution. En contrepartie, les agriculteurs devront fournir des efforts supplémentaires sur la qualité de l'eau», a-t-il affirmé, précisant quand même que «tous les micropolluants que l'on retrouvait dans l'eau potable n'étaient pas d'origine agricole...»

La réaction des irrigants de France


Saluant ce rapport qui «permet de mettre le sujet de l'eau au coeur du débat public afin de pouvoir collectivement trouver des solutions d'avenir à tous les besoins», les irrigants de France rappellent «qu'il n'y aura pas d'alimentation sans eau et, qu'à ce titre, l'agriculture doit nécessairement être considérée comme une activité économique d'intérêt général majeur dans les arbitrages sur les usages de la ressource», indique le communiqué publié le 22 janvier. «Le changement climatique dont le monde agricole est la première victime, bouleverse nos façons de produire et nous impose de nous adapter», poursuit-il, estimant qu'il ne faut «fermer la porte à aucune solution viable comme le développement des solutions de stockage en fonction des spécificités de chaque territoire» et en investissant «dans la recherche et le développement de solutions génétiques, numériques et technologiques».

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