L'Oise Agricole 21 octobre 2021 a 09h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Former des apprentis pour des salariés compétents demain

Ils sont exploitants agricoles ou chefs de culture et accueillent des apprentis sur leur exploitation pour leur transmettre leurs connaissances et en faire peut-être de futurs salariés agricoles.

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François-Xavier Martel accueille Louis sur la ferme de Russy, pour un apprentissage de deux ans.
François-Xavier Martel accueille Louis sur la ferme de Russy, pour un apprentissage de deux ans. - © DLC

Que ce soit Frédéric Pétillon, exploitant en polyculture à Ver-sur-Launette et Eve, ou François-Xavier Martel, chef de cultures à la ferme de Russy, à Russy-Bémont, en cette rentrée 2021, ce n’est pas la première fois qu’ils accueillent des apprentis. «J’ai l’habitude de recevoir des stagiaires et notamment des apprentis, du Bac pro jusqu’au BTS», annonce Frédéric Pétillon qui rappelle d’emblée qu’un stagiaire en alternance est un salarié mais pour lequel il faut plus de bienveillance, de prudence car, souvent, il découvre le métier.

«Louis Evrard, notre apprenti, n’est pas fils d’exploitant agricole, mais il a toujours été passionné par l’agriculture et a le projet de devenir chef de cultures. Il travaille avec les salariés de l’exploitation, notamment avec Romain, mon premier chauffeur, mais je lui montre aussi les missions du chef de cultures, par exemple lors des tours de plaine que je partage avec lui», témoigne François-Xavier Martel.

Savoir recruter

«On s’engage pour 2 ans et, que ce soit pour le jeune ou pour moi, il est intéressant de faire un test. J’ai ainsi embauché Rémi, le jeune en alternance, après l’avoir fait travailler pendant la moisson. Cela m’a permis de voir son comportement au travail et c’est un plus un savoir-être qu’un savoir-faire que je cherche», explique Frédéric Pétillon.

À Russy-Bémont, le recrutement s’est déroulé de la même façon. «Louis a été saisonnier Tesa, il a fait la moisson avec nous, il a été très courageux. J’ai pu voir son extrême motivation et sa passion pour le monde agricole. S’il est motivé, il saura s’adapter et donner le meilleur. Il a ensuite commencé en septembre son BTS productions végétales, il est en alternance sur la ferme pour deux ans.»

Il est également conseillé de rencontrer les professeurs responsables, dans les deux cas à la Maison familiale et rurale de Campagne-lès-Hédins, dans le Pas-de-Calais. «C’est un temps nécessaire pour poser les attentes de chacun, clarifier les choses. Le calendrier des temps de présence sur l’exploitation est calé sur l’année, le contrat a été signé avec Rémi et son professeur», explique Frédéric Pétillon.

François-Xavier Martel a le planning de Louis et chaque période sur l’exploitation est liée à une thématique qu’il doit découvrir. «Par exemple, l’implantation des cultures d’automne ou le parcellaire, des sujets totalement en phase avec la réalité du travail.»

Savoir accompagner

Les deux maîtres d’apprentissage confient aux jeunes des tâches à leur hauteur afin de leur donner confiance et les font accompagner par les salariés de la ferme. Pour l’exploitant de Ver-sur-Launette, il est inimaginable de lui confier des tâches ingrates mais, au contraire, il lui donne des missions de plus en plus complexes en fonction de ses progrès : «Rémi ne va pas commencer avec le pulvérisateur, mais par des tâches plus simples au départ.»

«Louis a commencé par le déchaumage, le labour, le transport à la moisson, le triage du grain et là, il commence avec Romain à semer le blé, confie le chef de culture de Russy-Bémont. Mais il participe aussi au nettoyage du corps de ferme, à l’entretien du matériel et fait aussi les betteraves montées. Car travailler dans une ferme, ce n’est pas que monter dans un tracteur.»

Un autre point que les deux exploitants veulent aussi mettre en avant, c’est le logement qui doit être prévu. En effet, dans le Sud de l’Oise, la pression immobilière est telle qu’il est impossible à un jeune salarié de trouver un logement dans son budget. Frédéric Pétillon a investi dans ses bâtiments pour y créer un logement simple mais confortable et c’est selon lui indispensable pour accueillir un jeune.

François-Xavier Martel a trouvé un autre moyen : il a trouvé un logement à Louis et il l’aide financièrement au paiement du loyer. «Les aides (voir encadré, NDLR) que l’on touche lorsque l’on embauche un apprenti minorent le coût du travail et il est tout à fait possible de donner dans ce cas un coup de pouce au logement.»

De même, il considère normal de faire faire des heures supplémentaires au jeune, dans la limite légale, et de les lui payer plutôt que lui donner des récupérations. «Quand on est jeune, c’est extrêmement valorisant d’avoir des heures gratifiées. Et comme il est courageux au travail, il faut l’encourager», reconnaît-il.

Et après ?

Rémi sera peut-être embauché sur l’exploitation de Frédéric Pétillon à la fin de son alternance, selon les envies de chacun à ce moment-là. «En tout cas, les exploitants agricoles, s’ils veulent avoir de bons salariés, doivent s’impliquer dans la formation des jeunes en les accueillant en apprentissage. Si ce n’est pas moi qui embauche Rémi, ce sera un autre agriculteur pour qui je l’aurais au final formé. De même, peut-être que j’embaucherai un jour un jeune qui aura fait son apprentissage sur une autre exploitation, c’est la vie», conclut Frédéric Pétillon.

Même son de cloche à la ferme de Russy où François-Xavier Martel sait l’importance de la démarche. «Bien sûr que la question de garder Louis se posera. En attendant, sa présence est une grande satisfaction pour les autres salariés et moi-même. L’encadrer nous motive, le travail se fait dans la bonne humeur et c’est un véritable échange gagnant-gagnant», sourit-il.

Quelques conseils avant d’accueillir un apprenti

Claire Dupire, en charge de l’apprentissage à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, conseille aux exploitants qui réfléchissent à accueillir un jeune de d’abord bien définir le profil qu’ils recherchent : quels travaux effectuera-t-il ? quelle sera son autonomie ? «Le jeune doit se projeter sur ce que sera son quotidien», assure-t-elle. De même, il est bien d’anticiper la demande auprès des centres de formation et se faire connaître bien avant la rentrée scolaire. Et puis, au moment du choix, Claire Dupire conseille de s’attacher au comportement du jeune lors de l’entretien et surtout de juger de sa motivation. «Sil est motivé, il y a de bonnes chances qu’il s’adapte sans problème.»

Enfin, il ne faut pas négliger l’investissement humain et en temps que représente l’accueil d’un jeune en apprentissage. «Avec 30 % des exploitants qui vont prendre leur retraite dans les cinq ans et les difficultés d’embauche, les agriculteurs doivent s’impliquer plus que jamais dans la formation des jeunes et leur donner envie de travailler dans ce milieu», analyse-t-elle.

Des aides à l’embauche

Les aides relatives aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation ont été prolongées jusqu’au 31 décembre 2021 ! L’aide est d’un montant de 5.000 € pour l’embauche d’un alternant de moins de 18 ans, de 8.000€ pour l’embauche d’un alternant de plus de 18 ans (jusqu’à 29 ans révolus). Elle est due pour la première année d’exécution du contrat.

Le salaire de l’apprenti varie entre 27 et 100 % du Smic. En qualité d’employeur, l’exploitant agricole est exonéré de la totalité des cotisations sociales (sauf accident de travail et maladie professionnelle).

Il faut se rapprocher du centre de formation dans lequel le jeune est inscrit, il se chargera de renseigner les documents Cerfa nécessaires avant signature par toutes les parties et de l’enregistrer, avec l’accord de l’exploitant, directement sur Ocapiat, opérateur de compétences qui finance l’apprentissage. Cet enregistrement doit se faire dans les 5 jours suivant l’embauche. Enfin, pour bénéficier de l’aide, le chef d’exploitation doit créer un espace sur Sylaé (renseigner les éléments concernant l’apprenti, transmettre la convention de formation, le RIB, etc.) et transmettre chaque mois la DSN de l’apprenti à la MSA.

Pour toute information, service main-d’œuvre de la FDSEA : 03 44 11 44 89.

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