«Fier de ce que j'ai réussi à faire»
Gilles est un jeune agriculteur trentenaire qui a repris l'élevage laitier de sa mère à Corbeil-Cerf, dans le pays de Thelle (Oise). Déterminé, il a déjà développé l'exploitation, mais il doit encore faire face à de nombreux défis.
«Ce que j'aime, c'est de pouvoir travailler pour soi». S'il a fallu un petit temps à Gilles Bril pour prononcer cette phrase, c'est plus par timidité que par hésitation. Depuis trois ans, ce trentenaire est devenu propriétaire de sa propre ferme. «Je ne me suis installé qu'à 30 ans, mais je ne serais peut-être pas arrivé à tout encaisser à 20. Quand on n'est pas né tout habillé comme moi, il faut attendre d'avoir les épaules solides».
Après le lycée, Gilles a obtenu un BTS agricole Acse. Il a ensuite travaillé pendant quelques années comme salarié agricole, à mi-temps, partageant ses journées sur la ferme maternelle. «J'ai même fait deux mi-temps salariés pendant 5 ans».
Sa ferme, il la connaît bien ; c'était celle de sa mère avant qu'il ne la reprenne. «Je travaille seul en traite depuis que j'ai 15 ans. Au début, il n'y avait personne pour m'apprendre à traiter avec le pulvérisateur.». Dès qu'il rentrait de l'école, les week-end, il s'occupait des travaux à la ferme. Personne ne pouvait le faire à sa place. «Si je ne l'avais pas fait, je n'en serais pas là aujourd'hui. Ça a payé. D'un autre côté, on peut se demander pourquoi j'ai fait tout ça. En en faisant peut-être un peu moins, je ne serais pas tout seul aujourd'hui...» confie-t-il.
Des regrets ? Non, même s'il a eu des doutes avant de se mettre à son compte : «J'avais des doutes sur les possibilités de m'installer. D'être sur un truc qui tourne. S'installer et être dans la merde, ça ne sert à rien.»
Pourtant, dès le départ, hors de question d'arrêter les vaches. «Il y a eu plusieurs projets, mais c'est finalement celui de l'agrandissement des vaches qui était le plus cohérent.» Accompagnés par l'équipe des Jeunes Agriculteurs dans son parcours, Gilles a pu réunir sur un même site ses génisses, ses veaux, sa salle de traite - elle-même passée en 2 x 6 -, un bâtiment à paille et un silo à maïs. À l'heure actuelle, il ne souhaite pas faire de la transformation. «J'ai livré du lait cru en porte à porte sur l'agglomération creilloise. C'était une clientèle que j'avais reprise. Je livrais environ 50.000 litres par an. Mais ça me prenait trop de temps : presque deux journées complètes par semaine ! Et avec l'inflation, le prix des sachets et du fioul était devenu excessif. Je suis content de l'avoir fait, mais aussi d'avoir arrêté.»
Aujourd'hui, il possède 90 vaches laitières et produit 720.000 litres de lait. Un cheptel important, qui est sa principale inquiétude : «Comment faire tourner la ferme tout seul sur le long terme ?» En embauchant un salarié ? «Dans l'immédiat, c'est impossible. Il y a trop à rembourser.» D'ici la retraite de sa mère, associée dans le Gaec, le jeune agriculteur pense plutôt à réduire le nombre de ses vaches.
D'autant que, de son propre aveu, il lui est difficile de faire confiance. «J'avais une grande autonomie lorsque je travaillais pour des patrons. Mais je ne me sens pas capable de donner cette confiance à mon tour.»
Autre difficulté concédée par le jeune éleveur : la pression. «Je pense qu'en lait, la moindre erreur se paye cher.» Et sans diversification, «une mauvaise année en lait sera une mauvaise année pour la ferme.»
Chez les JA
Depuis 5 ans, Gilles est aussi administrateur Jeunes Agriculteurs et vice-président de son canton depuis 2 ans. «Être adhérent me permet d'être soutenu en cas de litige et d'être informé de toutes les évolutions règlementaires. On sort un peu des habitudes du boulot, on créé des choses, comme pour Campagne en fête». Une position qui lui permet de distiller des conseils à ceux qui se projettent dans le métier : «Il faut être honnête, pour les jeunes qui veulent s'installer hors cadre familial, l'Oise n'est pas le bon département. L'accès à la terre y est très compliqué. Si on veut vraiment s'installer, il ne faut pas avoir peur de voyager et travailler un peu aux quatre coins de la France avant. Il y a d'autres départements où c'est beaucoup plus simple.»
Pour Gilles Bril, le chemin n'est pas encore terminé. Son objectif est de monter un nouveau bâtiment et finir de tout relocaliser sur un même site. «Je fais une étude pour y installer des panneaux solaires.» Et pourquoi d'entamer prochainement la construction de sa maison. «Quand je regarde d'où je suis parti ,je suis quand même assez fier de ce que j'ai réussi à faire.»
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