L'Oise Agricole 02 novembre 2023 a 08h00 | Par A.G

Face à l'instabilité, les États membres multiplient les demandes

Entre inflation, événements climatiques extrêmes, coûts de production toujours élevés et contraintes environnementales supérieures, les marchés agricoles de l'UE restent, pour certains dans une situation difficile. Dans ce contexte, les ministres de l'Agriculture de l'UE adressent de nombreuses demandes à la Commission européenne.

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Le secteur des fruits et légumes, entre autres, a été «sérieusement touché par des événements extrêmes dans diverses régions, en termes de rendements et de qualité».
Le secteur des fruits et légumes, entre autres, a été «sérieusement touché par des événements extrêmes dans diverses régions, en termes de rendements et de qualité». - © Guy Dubon

Lors de leur réunion à Luxembourg le 23 octobre, les ministres de l'Agriculture de l'UE ont multi-plié les demandes d'aides, d'outils nouveaux ou d'allégement des contraintes environnementales pour faire face à une situation de marché toujours instable, entre hausse des prix de l'énergie, des engrais et des aliments pour animaux, inflation actuelle des prix alimentaires, ralentissement économique général, conditions météorologiques dé-favorables et contexte géopolitique compliqué. La situation du marché est pourtant «plus stable qu'elle ne l'a été ces dernières années», a assuré le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski, tout admettant qu'il fallait «rester vigilant dans certains secteurs».

Le commissaire a cité la récolte difficile pour certaines cultures arables, ce qui signifie que l'UE va avoir besoin importations en provenance d'Ukraine, la consommation de boeuf affectée par les prix élevés et la baisse des prix du lait (qui ralentit toutefois). Le secteur des fruits et légumes a été «sérieusement touché par des événements extrêmes dans diverses régions, en termes de rendements et de qualité», a-t-il noté, soulignant également que «la baisse de la consommation de nombreux produits frais fait suite à l'érosion du pouvoir d'achat». La délégation lituanienne, sou-tenue par de nombreux pays, a aussi alerté sur les difficultés du bio et appelé à l'organisation d'une «discussion stratégique» sur l'avenir du secteur.

Mais pour Bruxelles, la situation n'est pas aussi dramatique : les projections préliminaires pour 2022 et 2023 «montrent une image mitigée, avec un certain nombre de marchés de l'UE affichant une tendance positive. Dans la plupart des cas, la consommation reste conforme, voire supérieure, aux résultats d'avant la pandémie». Janusz Wojciechowski a quand même reconnu que la consommation d'aliments biologiques a pu être influencée par l'inflation et que le rythme d'augmentation de la consommation «a peut-être quelque peu ralenti». Mais selon lui, avant d'envisager une quel-conque réorientation stratégique, il faut aider le secteur à se re-dresser sur les marchés où la de-mande a diminué en intensifiant les efforts pour la mise en oeuvre du plan d'action sur l'agriculture bio.

Liste de course

Il a rappelé que la Commission européenne était en train de préparer un paquet de soutien d'urgence, dont les fonds pro-viendront de la réserve agricole, en faveur de la Slovénie et de la Grèce touchées par des récentes inondations. Mais pour la Croatie et la Slovénie, cette réserve agricole reste insuffisante. Ces pays demandent donc une nouvelle approche qui permettrait aux États membres d'orienter l'aide financière de manière rapide et flexible, sans restriction administrative. Ils proposent un dispositif de soutien financé à concurrence d'un montant maximum de 2 % de l'enveloppe totale existante des plans stratégiques nationaux. Une proposition qui pourra «alimenter nos discussions en cours sur l'utilisation de la réserve agricole», a répondu le commissaire européen qui promet de l'étudier sérieusement.

«Cependant, avant d'envisager de nouvelles interventions dans les plans de la Pac qui nécessiteraient une réouverture de l'acte de base, nous devons nous assurer que le potentiel des outils existants est pleinement utilisé, et identifier les causes qui entravent leur plein potentiel pour y remédier.» D'autres États membres ont sollicité, en bilatéral, la Commission européenne sur des mesures de sou-tien agricoles : le Portugal (comme l'a déjà exprimé la France) souhaite pouvoir réviser de manière anticipée les transferts de fonds entre premier et deuxième piliers, la France continue d'insister pour que les dérogations à l'utilisation des jachères soient prolongées en 2024 (sans avoir à rouvrir l'acte de base de la Pac), et la Bulgarie voudrait que soit relevé le plafond (de 250 000 EUR par entreprise) des aides d'État prévu dans le cadre tempo-raire de crise.

Le Green deal ciblé

Pour l'Autriche, ce sont les engagements du Green deal qui «ac-culent notre agriculture». «Les exigences toujours nouvelles et plus strictes en matière de production agricole, en plus d'une situation générale du marché», créent «des désavantages concurrentiels par rapport aux producteurs de pays tiers», a déploré son ministre qui a présenté un document à l'appui. Et d'ajouter qu'un «exercice d'inventaire complet de la législation du Green Deal et de son impact sur l'agriculture de l'UE devrait être lancé, accompagné d'un plan d'action visant à renforcer la production agricole». Une critique partagée par un certain nombre de délégations (Pologne, Hongrie, Lettonie, Bulgarie...). Beaucoup de ministres ont souligné que le dialogue stratégique proposé par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sera l'occasion de mettre tous ces sujets sur la table. «Nous devons nous doter de davantage d'outils de solidarité et donner plus de flexibilité aux États membres pour qu'ils puissent ré-agir plus rapidement car les procédures de la Commission européenne sont souvent trop longues à mettre en place», a convenu Janusz Wojciechowski. «Il y aura d'abord une question de budget à régler», a rappelé le ministre espagnol de l'Agriculture Luis Planas qui assure la présidence tournante du Conseil de l'UE.

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