L'Oise Agricole 30 mai 2024 a 08h00 | Par Vincent Fermon

En tête-à-tête avec la FRSEA, ils veulent tous réformer la Pac

A quinze jours des élections européennes, la FRSEA des Hauts-de-France a reçu six représentants des listes engagées pour un débat sur ce qu'elles entendent porter au niveau européen pour l'agriculture.

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Frédéric Nihous
Frédéric Nihous - © dr

Sur les 38 listes officiellement engagées pour les élections européennes du 9 juin prochain, six d'entre elles ont envoyé un ou plusieurs représentants le 24 mai dernier à Belloy-sur-Somme pour un débat organisé par la FRSEA Hauts-de-France. Le lieu n'avait pas été choisi au hasard - l'exploitation d'Anne-Sophie et Fabien Niquet -, comme une manière «d'être dans une ambiance réaliste pour parler d'agriculture», selon les mots de Simon Ammeux, président de la FRSEA Hauts-de-France. Selon un tirage au sort, Alliance rurale, Reconquête, Place Publique (PS), Besoin d'Europe (Renaissance-Modem, UDI, Horizons-Parti Radical), Les Républicains (LR) et Les Écologistes (EELV) ont tour à tour défendu leur vision de l'Europe et les priorités que chacun entend défendre s'ils parviennent à envoyer des députés au parlement européen.

L'Alliance Rurale par Denise Leiboff et Cécile Pottier

Denise Leiboff est présidente de Fédération nationale des communes pastorales de France, et Cécile Pottier, agricultrice dans l'Oise. Les deux femmes sont engagées sur la liste Alliance Rurale, conduite par Jean Lassalle. Pour la seconde, c'est d'abord un sentiment qui l'a conduit à s'engager : «Je ne supporte plus que l'on soit considéré comme des ploucs...» Pour elle, la liste Alliance Rurale est «composée de personnes qui partagent les mêmes valeurs, autour de la défense de la ruralité.» Avec un certain optimisme, elle l'assure, l'idée sera de créer un groupe européen au sein duquel se retrouveront les défenseurs de la ruralité. Avant de dévoiler quelques propositions, Cécile Pottier regrette que «la Pac soit si complexe», et que le mode de calcul du monde des aides soit «infantilisant», voire «humiliant». En vrac, Denise Leiboff et Cécile Pottier égrènent les mesures : «maintien des capacités de productions nationales, donner un revenu décent, simplifier les démarches administratives, prix rémunérateurs, soutien à l'installation et à la recherche, mettre fin aux distorsions de concurrence...» En résumé, pour l'Alliance rurale, «ce qu'il faut, c'est une politique qui permet aux agriculteurs d'avoir un revenu qui vient de leur travail et non pas parce qu'ils répondent à des obligations réglementaires».

Reconquête !, par Olivier Cleland

Céréalier dans le pays de Bray, Olivier Cleland est candidat sur la liste «Reconquête» conduite par Marion Maréchal. Pour lui, «il faut une autre Europe. On veut une Europe des nations qui ne soit pas supranationale». Le programme agricole défendu par Reconquête ! s'articule autour de quatre axes. Le Green Deal ? «On veut l'arrêter totalement», affirme M. Cleland qui veut également «redonner de la liberté de faire ce que l'on veut sur nos exploitations.» En ce qui concerne la Pac, «par rapport à 2010, les aides ont été divisées par deux alors que les contraintes ont été multipliées par quatre (...) Elle est à revoir de A à Z. Il faut revenir à un système d'aide à la production plutôt qu'un système qui tienne compte des hectares». Sans surprise, le candidat de Reconquête ! se déclare «contre l'élargissement de l'Union européenne», et se montre critique envers les accords de libre-échange : «On s'est tapé le Ceta (sic) et on va bientôt se taper le Mercosur. Avec le Ceta, on a peut-être gagné, mais combien de temps encore ? Quels sont les produits qui vont entrer chez nous sans que l'on sache comment ils ont été produits ?»

Place Publique (PS), par Claire Reboisson

Directrice de cabinet du maire de la ville de Creil (60), Claire Reboisson indique que l'une des propositions de la liste conduite par Raphaël Glucksmann en matière d'agriculture est de «réformer la Pac parce qu'elle est profondément injuste». «80 % des aides touchées par 20 % des exploitations, ce n'est pas normal. Les petites exploitations n'en profitent pas assez...» D'une manière générale, elle regrette que «la Pac ne protège pas les agriculteurs (...) Elle impose des normes à des agriculteurs qu'on n'impose pas à nos partenaires». Dans son projet de réforme de la Pac, PS-Place Publique propose de mettre en place une «politique agricole et alimentaire commune» avec, comme mesures, «des tarifs garantis de rachat pour ceux qui veulent changer de méthode», «aller vers des complémentarités entre systèmes de production», «construire une souveraineté alimentaire européenne». Si l'enjeu de souveraineté est affirmé, «il ne faudrait quand même pas oublier celui de la biodiversité...», a conclu Claire Reboisson.

Besoin d'Europe (Renaissance) par Irène Tolleret

Députée européenne sortante, Irène Tolleret ne se représente pas. En préambule à sa présentation, elle rappelle que «la fonction de l'agriculture, c'est de nous nourrir», sans oublier «ce qui a été obtenu» lors de la dernière mandature, dont «le droit à l'erreur». Parmi les propositions défendues par la liste menée par Valérie Hayer, on notera «des règles qui doivent être les mêmes pour tous», «la prise en compte du changement climatique dans les décisions», la modification de la directive cadre sur l'eau, la mise en place d'un nouveau règlement «pesticides» ou encore un «Egalim européen». En matière de Pac, «il faut accompagnement financier et simplification», a avancé Irène Tolleret. Enfin, en ce qui concerne les accords de libre-échange, «il y a du bon et du moins bon et il faut pouvoir modifier les choses quand ce n'est pas bon».

Les Républicains, par Frédéric Nihous

Secrétaire général du groupe Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT) au Parlement européen et assistant parlementaire de Jean Saint-Josse au parlement européen, ancien candidat à l'élection présidentielle, le nordiste Frédéric Nihous a, depuis, rejoint les rangs des Républicains et siège au conseil régional des Hauts-de-France. Candidat aux élections européennes, il est 13e sur la liste conduite par François-Xavier Bellamy. «On se bat pour mieux d'Europe et remettre cette Europe à l'endroit», a déclaré Frédéric Nihous, accompagné du samarien Aurélien Caron. Les trois mesures-phare de la liste LR consistent à «avoir un choc sur les prix. Il ne s'agit pas de produire n'importe comment, mais il faut rappeler que la première des priorités est de produire. À ce titre, François-Xavier Bellamy s'est battu pour un allégement du verdissement de la Pac», soutient Frédéric Nihous. Au passage, il égratigne l'eurodéputé Pascal Canfin et le commissaire européen à l'agriculture, «le pire que l'on puisse avoir...» Pour LR, «la Pac doit aider les agriculteurs à vivre de leurs productions», sans toutefois se montrer favorables aux prix-plancher. Une autre proposition consiste à «un choc sur les mesures». Traduction ? «On veut qu'à chaque fois qu'il y ait une nouvelle norme, deux soient supprimées.» Pour Aurélien Caron, «il faut se battre pour la Pac, pour le maintien de son budget (...) La Pac doit accompagner les transitions et la recherche (...) Nous demandons à ce que chaque décision s'accompagne d'une étude d'impact et qu'on en tienne compte». Le samarien veut également «revenir sur le Pacte vert (Green Deal) qui prône la décroissance». Pour Frédéric Nihous, enfin, «il faut revenir à l'essentiel, et l'agriculture en fait partie. L'Europe doit défendre ses intérêts à l'extérieur, mais cela ne doit pas se faire au détriment des intérêts intra-communautaires». Enfin, le représentant des LR invite tout à chacun «à peser» le poids de son vote : «Être tout seul au Parlement européen, ça ne sert à rien... Pour être efficace, il faut pouvoir faire partie d'un groupe qui aura de l'influence et ne pas de contenter d'un pouvoir de dénonciation.»

Les Écologistes, par Nicolas Richard

Élu au Conseil régional des Hauts-de-France, l'axonais Nicolas Richard considère avant toute chose et proposition que «la planète va mal». Pour lui, pas de doute, «le dérèglement climatique n'est pas une perspective mais une réalité.» La liste conduite par Marie Toussaint ne prônerait «pas moins d'Europe», mais souhaite lui donner «une orientation sociale et environnementale», considérant que «l'Europe est d'abord économique avant d'être sociale.» Critiques envers une Pac «qui ne satisfait personne», Les Écologistes en souhaitent une nouvelle «qui soit basée sur l'emploi vert plutôt que sur les surfaces», «réintroduire des outils de régulation des prix (prix planchers)», «européaniser la loi Egalim», modifier les règles des marchés publics pour favoriser l'achat local... Face aux accords de libre-échange, «on veut un protectionnisme vert pour se défendre», plaide Nicolas Richard. Et de proposer «l'interdiction de vendre et d'accueillir sur le sol européen des produits que l'on ne veut pas chez nous, y compris quand il s'agit de les fabriquer.» Enfin, pour Les Écologistes, la Pac doit «intégrer aussi l'alimentation.»

- © DR

Simon Ammeux, président de la FRSEA Hauts-de-France : «Nous avons besoin de mieux d'Europe»

À l'issue de la rencontre qui s'est tenue entre les représentants de six formations politiques et des élus de la FRSEA Hauts-de-France à Belloy-sur-Somme, son président Simon Ammeux regrettait une représentation finalement assez faible des partis politiques à la rencontre proposée par l'organisation syndicale. «J'espère que cela ne trahit pas la considération qu'ils ont pour l'agriculture», a-t-il dit, regrettant également que certaines formations politiques aient rétrogradé leurs élus «agriculteurs» sortants, hypothéquant la possibilité de leur réélection. En ce qui concerne les revendications de la profession agricole, Simon Ammeux l'a assuré : «Ce que nous attendons avant toute chose, c'est une harmonisation des règles, que ce soit au niveau environnemental, social ou fiscal.» Pour le président de la FRSEA, les années qui viennent de s'écouler ont été rudes : Covid, inflation, guerre en Ukraine... et Pacte Vert. Et de pointer des «incohérences». «Les dernières années viennent de nous montrer que l'Europe n'est pas en capacité d'être autosuffisante dans un certain nombre de productions, comme pour les viandes blanches par exemple et pendant ce temps-là, elle vote pour la directive IED qui amène des contraintes supplémentaires pour l'élevage...» Pour le président de la FRSEA, pas question pour autant de fermer la porte à l'Union européenne, ses institutions et son fonctionnement, même s'il est perfectible : «L'Europe doit protéger, accompagner, avec un budget à la hauteur de ses ambitions.» Cette ambition, a souligné Simon Ammeux, «ce n'est pas la décroissance. Nous avons besoin d'être accompagné plutôt que d'être encadré et asphyxié. Ce dont nous avons aussi besoin, c'est de simplification. L'Europe, on en a besoin, plus et mieux.» En ce qui concerne les accords commerciaux internationaux, «on n'est pas contre à conditions qu'ils ne déstabilisent pas nos filières.»

En conclusion de l'après-midi de débat, le président de la FRSEA a appelé les agriculteurs à se rendre aux urnes : «L'enjeu agricole au niveau européen est important. Nous ne devons pas oublier que le budget agricole est le premier budget européen. En allant voter, on peut encore donner une orientation à l'agriculture européenne.»

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