L'Oise Agricole 27 octobre 2023 a 07h00 | Par Vincent Fermon

Eau, foncier: l'agriculture régionale demande intelligence et résilience

Lors de la deuxième édition des Rencontres régionales de l'économie pour l'année 2023, à Lille (59) le 16 octobre, la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France est revenue sur ses demandes en matière de gestion de l'eau et du foncier agricole.

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De quoi parlent les chefs d'entreprises - et leurs représentants via les Chambres de commerce et d'industrie, des métiers et de l'artisanat et d'agriculture - lorsqu'ils se retrouvent pour les Rencontres régionales de l'économie ? De la santé de l'économie mondiale, de prévisions de croissance en France (0,9 % en 2023) et dans le monde avec le concours de la Banque de France, de la dynamique de l'emploi, défaillances d'entreprises et moral des entrepreneurs (lire ci-contre), mais aussi et surtout de l'inflation, «principal sujet de préoccupation des entreprises», selon Carine Jupin, directrice régionale de la Banque de France.

 

L'agriculture et ses enjeux à la loupe

Pour cette deuxième rencontre de l'année 2023 le lundi 16 octobre à Lille, deux secteurs ont été particulièrement scrutés : le BTP et l'agriculture. Pour l'un de ces poids lourds de l'économie régionale, la cheffe du service «stratégie et prospective» de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France, Pascale Nempont, a décrit un contexte marqué par des «écarts».

Le premier d'entre eux ? «Une hausse des coûts de l'alimentation qui ne se répercute pas toujours sur les prix agricoles.» En effet, depuis le printemps 2022, «prix agricoles et agroalimentaires ont des trajectoires opposées. Les prix agricoles se replient alors que les prix alimentaires continuent d'augmenter», a souligné Pascale Nempont. D'autre part, si les prix agricoles se maintiennent à un niveau élevé, cela est loin de concerner toutes les filières...

À cela, on peut ajouter une sorte de crise pour la filière bio qui se traduit diversement en fonction des productions : déséquilibre entre offre et demande en filière porc, baisse des ventes des produits laitiers bio, repli des achats en fruits et légumes, surproduction pour la filière oeuf... Néanmoins, le tableau n'est pas si noir en ce qui concerne les filières céréales, oléagineux et protéagineux qui tirent leur épingle du jeu ; comme les producteurs «mixtes».

 

Arbitrages dans les consommations

D'une manière générale, qu'il s'agisse d'agriculture bio ou conventionnelle, un constat reste toutefois partagé : l'inflation perturbe bel et bien les habitudes de consommation. Selon Pascale Nempont, on observe ainsi aujourd'hui que «l'alimentation est une variable d'ajustement des ménages face à la perte de pouvoir d'achat».

Cela concernerait ainsi 41 % des Français, parmi lesquels 45 % déclarent ne pas manger les aliments qu'ils souhaiteraient. Plus grave, 16 % déclarent ne pas manger suffisamment. Confronté à ces changements, le secteur agricole doit également prendre en compte d'autres facteurs qui ont une influence sur sa manière de produire. «N'oublions pas que l'agriculture est une activité à ciel ouvert et que les changements qui l'impactent vont engendrer un effet cascade sur d'autres activités», a souligné Mme Nempont, avant de citer l'émergence de l'intelligence artificielle ou le changement climatique.

Président de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France, Laurent Degenne a rappelé aux participants des Rencontres régionales de l'économie «le haut potentiel» de l'agriculture régionale avant de revenir lui aussi sur les défis qui l'attendent et les enjeux liés. «L'agriculture peut stocker du carbone. Cette capacité à stocker du carbone peut profiter à d'autres secteurs d'activité, mais pour cela, il faut travailler de concert», a souligné M. Degenne.

La concertation, c'est encore ce qui prévaut selon le représentant du monde agricole, dans le travail mené pour «maintenir un bon état sanitaire de notre territoire». Côté perspectives, si l'agriculture régionale reste reconnue pour être «productive», «saine» et sa capacité à fournir une alimentation de qualité, sa capacité s'élargit à la production d'énergie verte... pourvu qu'on lui en donne les moyens, a interrogé le président de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France.

Enfin, il faut également travailler pour la Chambre d'agriculture à la gestion de l'eau. Et cette dernière de citer les travaux qu'elle compte mener sur les eaux sans usages. Le principe ? «C'est de pouvoir réutiliser en période de tension tout un volume d'eau sans usage que l'on aura préalablement stockée», a détaillé Laurent Degenne.

Ce travail sur le stockage de l'eau doit s'accompagner, toujours selon la chambre d'agriculture, d'autres travaux sur la résistance des plantes au stress hydrique, la nature et la consistance des sols, la réutilisation de l'eau ou encore la recharge des nappes.

 

Sobriété foncière

Interrogé sur la mise en oeuvre de la démarche «ZAN» (zéro artificialisation nette) contenue dans la loi Climat et résilience - cette mesure demande aux territoires, communes, départements, régions de réduire de 50 % le rythme d'artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 - Laurent Degenne s'est montré mesuré : «Le monde agricole ne peut pas être contre ce type de mesure, bien au contraire, puisqu'il protège le foncier agricole, mais il faut être intelligent dans l'application. Il ne s'agit pas de bloquer tout projet de développement, pourvu qu'il ait du sens.» Simplement, a-t-il ajouté, «il y a des projets pour lesquels l'emprise foncière est exagérée», prenant en exemple des projets d'implantation d'entreprises dans lesquels des surfaces agricoles sont soustraites pour les transformer en espaces verts ou en espaces non productifs. «En tant que représentants des intérêts du monde agricole, ce que l'on demande, c'est de la sobriété et de la résilience. Ça ne peut pas être fromage et dessert à tous les repas...», a conclu le président de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France.

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