Des solutions pour une meilleure qualité de vie et organisation du travail
La première journée dédiée à l'élevage organisée par les étudiants d'UniLaSalle n'a pas eu le public qu'elle méritait au vu de la qualité des interventions, de la présence de partenaires et des démonstrations dynamiques de matériel proposées.

Raphaëlle Deffrenne, de la société MSD, est intervenue en premier sur le monitoring au service des éleveurs. Le constat de départ est sans appel : la digitalisation en agriculture progresse. En élevage, le numérique a commencé avec l'identification, puis sont apparus les Dac (distributeurs automatiques de concentrés), les ordinateurs, les robots de traite. Avec le développement d'internet, les smartphones ont gagné les poches des agriculteurs, puis les objets connectés et déjà, l'intelligence artificielle.
Le monitoring pour un meilleur suivi
Une enquête Idele fait apparaître que 92 % des éleveurs laitiers et 84 % des allaitants utilisent des équipements digitalisés. Un éleveur laitier sur deux utilise des capteurs embarqués sur ses animaux, notamment des colliers. Le monitoring est utilisé à 50 % pour la gestion de la reproduction avec la détection des chaleurs, 34 % pour l'alimentation et 17 % pour le vêlage. En viande, c'est à 20 % pour le vêlage, 8 % pour la détection des chaleurs et 5 % pour l'alimentation. Les bénéfices attendus des nouvelles technologies sont, par ordre décroissant : gain de temps, confort, attractivité, performances, partage d'information, gain économique, compatibilité des outils. Les limites évoquées sont le manque de compatibilité entre les outils, l'utilisation abusive des données, le débit internet insuffisant, le réseau internet mobile insuffisant, les effets des ondes, le rapport coût/bénéfices insuffisant, la maintenance importante et le trop grand nombre d'alertes.
Sense Hub propose ses capteurs sur colliers ou sur boucles auriculaires, ils mesurent l'activité de l'animal en 3 D et les données recueillies sont transmises sur le smartphone de l'éleveur via un contrôleur installé sur la ferme. L'emploi du temps routinier de la vache est conservé 24 heures et, selon de niveau de prestation choisi, alerte l'éleveur et se synchronise avec le logiciel de gestion du troupeau. L'éleveur connaît donc les périodes de chaleur, voire même le meilleur moment pour inséminer. Des rapports réguliers sont émis sur les dates théoriques de vêlage, de tarissement, les suspicions d'avortement...
Pour le volet santé, la baisse ou la chute de rumination alerte l'éleveur sur un problème sanitaire, le stress au vêlage, assure un suivi de groupe, mesure l'essoufflement de l'animal... «Les rapports produits sont d'une grande aide : nombre d'IA par vache, réussite de la première insémination améliorée de 4 à 6 %, IVV réduit de 15 jours, repérage des vaches non-gestantes à 150 jours... Les éleveurs équipés apprécient le gain de temps, le meilleur suivi et surtout notent une qualité de vie améliorée grâce à une charge mentale allégée», conclut Raphaëlle Deffrenne.
Les attentes des éleveurs
Emmanuel Béguin, d'Idèle (Institut de l'élevage), a rappelé le contexte : augmentation de la taille des troupeaux, attentes sociétales, questions environnementales, instabilité des marchés, aspirations des éleveurs... lesquels vieillissent puisque 53 % ont plus de 50 ans. Parallèlement, le cheptel diminue : perte de 700.000 vaches laitières et allaitantes en 7 ans. En élevage, la main-d'oeuvre est essentiellemet familiale. Il convient de maintenir l'attractivité du métier en changeant son image, en en facilitant l'accès et en veillant à ce que son exercice soit acceptable : conditions de travail, rémunération. «Il y a une particularité en élevage, c'est la répartition sexuée du travail. Aux hommes le travail d'extérieur, la représentation, le visible. Aux femmes, les tâches d'intérieur, invisibles et morcelées. Les équipements ne sont souvent pas adaptés aux épouses et la complémentarité des sexes dans le travail existe, revendiquée ou pas», détaille le conseiller.
Le salariat doit être développé, mais il est difficile de recruter : il faut trouver le bon candidat et surtout le garder.
Les attentes des éleveurs se focalisent sur les conditions de travail, la qualité de vie, le bien-être et la santé. Le travail regroupe la production et l'organisation, cette activité construit l'identité professionnelle, donne un sens au métier. Les tâches évoluent, les emplois sont collectifs, l'externalisation est pratiquée, le métier est peu pénible, mais la charge mentale est lourde. Le ressenti des éleveurs laitiers est le plus négatif, ils manquent de temps, les horaires de travail sont larges. Ils veulent plus de temps libre pour leur famille et les loisirs, des amplitudes de travail moins importantes. Beaucoup sont prêts à investir du temps pour y réfléchir : simplification des pratiques, délégation, réorganisation, modernisation, redimensionnement des ateliers... Pour les y aider, un outil gratuit en ligne a été créé, qui, après un rapide diagnostic, donne des pistes de réflexion : declictravail.fr
La réflexion peut également se mener collectivement, par groupe de 7 éleveurs. Ce sont les éleveurs qui bâtissent le plan d'actions de chacun d'entre eux, avec l'aide d'un conseiller et d'un diagnostic préalable. Un plus grand recours aux équipements high tech (robots, OAD...) ou, autre contraire, le travail en collectif, sont des pistes qui permettent de libérer des jours libres. De nouvelles compétences à développer
Embaucher et garder un salarié agricole
Autour de la table ronde de l'après-midi, Pierre Rouyère, agriculteur bio et employeur, Gabriel Mahieu, salarié agricole, Sandrine Leleu, conseillère Apecita, et Christelle Récopé, ingénieur à la Chambre d'agriculture de l'Oise. Pour définir les besoins de travail sur une exploitation agricole, Sandrine Leleu conseille de prendre du temps et du recul : mettre à plat l'organisation, analyser les volumes de travail, les projets à venir. Entre autres, l'outil en ligne déclictravail peut aider à cette réflexion.
Des services existent pour aider les agriculteurs : formations au recrutement, à la gestion RH, bourse à l'emploi... mais les exploitants sont souvent du mal à y participer. «Moi, j'embauche souvent des stagiaires école qui sont venus chez moi et je n'hésite pas à faire appel au Service de remplacement», témoigne Pierre Rouyère. L'exploitant insiste sur le savoir-être du salarié, sur sa motivation, indispensable pour qu'il puisse rester en poste. Gabriel Mahieu pointe la distance entre domicile et travail, le respect mutuel entre employeur et salarié.
Pour rendre le métier de salarié agricole attractif, l'organisation du travail, les conditions d'accueil, la performance des matériels utilisés sont indispensables, selon Sandrine Leleu. Et pour une bonne organisation du travail, Christelle Récopé conseille d'effectuer un diagnostic réaliste de la ferme, un état des lieux avec un bilan travail. De là, plusieurs solutions pourront émerger : recours au salariat, externalisation, remplacement... Tous les intervenants concluent sur la nécessité d'avoir de la souplesse dans la répartition du travail employeur-salarié, des échanges réguliers, pour garder un sens au travail, nécessaire à la fidélisation des salariés.
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