De nouveaux modèles de circuits courts pour contourner le confinement
Pour faire face à la crise économique, de nombreuses initiatives de circuits courts ont vu le jour dans les régions. Livraisons, marchés éphémères, drives, les producteurs ont redoublé d’efforts pour maintenir leur activité malgré le confinement.
Avec l’arrêt de la restauration hors domicile et de la vente directe le 17 mars, de nombreux agriculteurs ont vu leurs débouchés disparaître brutalement. Recensés par les Chambres d’agriculture sur des cartes interactives disponibles sur leurs sites internet, de nombreux modes de ventes alternatifs ont vu le jour dans les territoires.
Dans un premier temps, la solution qui a été privilégiée par les producteurs a été la livraison de produits commandés sur internet livrés directement au domicile des clients. «Cette solution est très pratique et a séduit des clients excentrés des grands pôles de consommation, même si cela relève plus de l’initiative individuelle de chaque producteur que d’une solution collective. Durant le confinement, nous avons d’ailleurs constaté une explosion du nombre de plateformes de livraison, ce qui a eu tendance à diluer un peu la force de cette formule de vente», explique Jean-Baptiste Lafforgue, conseiller circuits courts à la Chambre d’agriculture de l’Ain.
Rapidement, des producteurs ont compris que le fait de s’associer pourrait représenter une force de vente plus importante. Avec l’accord des préfectures, plusieurs marchés éphémères privés ont vu le jour dans des communes empêchées de tenir leur marché régulier. «Ces marchés ponctuels ont rencontré leur public, certains ont même été victimes de leur succès et les mairies ont dû encadrer leur organisation», raconte Jean-Baptiste Lafforgue.
Les drives fermiers séduisent les consommateurs
Représentant une solution complémentaire à la livraison et aux marchés éphémères, la formule du drive a été la plus plébiscitée. Le concept est simple : plusieurs producteurs associés proposent leurs produits sur une plateforme sur laquelle des clients peuvent faire des commandes groupées et constituer des paniers qu’ils viennent récupérer dans un lieu donné à un horaire prédéfini. «Nous nous sommes rapidement rendu compte que les consommateurs avaient peur de se déplacer et que les producteurs qui ne faisaient pas de la livraison ne s’en sortaient pas financièrement. Le drive fermier que nous avons lancé regroupe aujourd’hui trente-deux producteurs du département, ce qui permet aux clients de bénéficier d’un large choix. Les clients ont jusqu’au mardi soir pour commander et viennent récupérer leurs produits le jeudi sur nos deux points de distribution d’Aubière et Riom (Puy-de-Dôme). Nous faisons très attention au respect des mesures barrières : les clients restent dans leur voiture et les producteurs, qui portent des masques et des gants, leur apportent leur commande lorsqu’ils arrivent. Cette formule marche bien, cette semaine par exemple nous avons préparé 188 paniers», explique Estelle Teyssier, de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme.
Désireux de monter un magasin de producteurs, l’éleveur de bovins Baptiste Arnaud a été de ceux qui ont immédiatement adhéré à ce projet de drive fermier dans son département. «Je fais de la vente directe de steaks hachés et depuis quelques semaines, les clients ne se déplaçaient plus. Aujourd’hui, j’ai des commandes régulières et mes ventes sont supérieures à ce qu’elles étaient avant le confinement», témoigne-t-il.
Des initiatives innovantes qui pourraient devenir pérennes
Quelques semaines après leur lancement, le bilan de ces initiatives nées durant le confinement est de l’avis général plutôt positif. «Un certain nombre de consommateurs ont manifesté une forme de défiance vis-à-vis des grandes surfaces qui représentent pour eux des lieux à risque face au coronavirus. On a aussi pu mesurer une vraie prise de conscience par rapport au fait de consommer des produits frais et locaux. Les nouveaux circuits lancés par les producteurs ont rencontré les attentes nouvelles des consommateurs», se satisfait Marie-Pierre Couallier, conseillère pour les circuits de proximité à la Chambre d’agriculture du Rhône.
Du côté des producteurs engagés, la volonté de faire perdurer ces nouveaux systèmes de vente en parallèle de leur activité principale est là, même si elle représente une charge organisationnelle que tous ne pourront pas supporter sur le long terme. «Pour que ces initiatives deviennent pérennes, il faudra que naissent des structures plus importantes, mieux organisées et disposant de locaux car aujourd’hui, certains agriculteurs donnent tellement qu’ils se ruinent la santé. Collectivement, nous devrons aussi engager une réflexion d’ensemble sur la structuration de nos filières pour qu’elles aient plus de force localement. Les initiatives nées durant le confinement pourraient contribuer à lancer cette réflexion collective», conclut Jean-Baptiste Lafforgue.
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