«De belles victoires, nous n’avons rien lâché»
Le projet de loi de Finances pour 2025 (PLF2025) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS2025) viennent d’être adoptés par l’Assemblée nationale. De nombreuses dispositions de ces deux textes concernent les agriculteurs. Luc Smessaert qui suit ses dossiers à la FNSEA, a bien voulu faire un point de situation sur les nouvelles dispositions qui vont s’appliquer.
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En quoi le vote de ces deux projets de loi était-il si important pour les agriculteurs ?
Luc Smessaert : Le budget et les financements ont enfin été adoptés. L’instabilité gouvernementale qui a rythmé l’année 2024 semble avoir fait une pause et nous ne pouvons que nous réjouir de ce retour à une période plus calme pour traiter des sujets de fond. Ce vote vient, aussi bien pour la FNSEA et Jeunes agriculteurs, parachever une série de batailles que nous menons depuis l’automne 2023 pour faire valoir nos droits, faire reconnaître l’importance de notre métier. Il en reste encore bien d’autres à conduire, je pense notamment au PLOA… L’ensemble des mesures pour lesquelles nous nous sommes battus, pour lesquelles nous avons manifesté concerne près d’un demi-milliard d’euros. Et cela même alors que nous savions tous qu’avec 3.400 milliards d’euros de dette publique et la nécessité d’économiser autour de 60 milliards d’euros, nous n’étions pas certains d’obtenir gain de cause.
Comment expliquez-vous que vous y soyez parvenus ?
L.S. : Grâce à notre pugnacité, je pense. Nous n’avons absolument rien lâché. La FNSEA et JA ont fait passé le message que l’agriculture est devenue d’intérêt général majeur. C’est une notion qui je l’espère sera inscrite dans le marbre de la prochaine loi d’orientation agricole. Nos gouvernants ont compris que reconquérir notre souveraineté agricole et alimentaire méritait que l’on soutienne les exploitations.
Concrètement, qu’avez-vous obtenu à travers ces deux projets de loi ?
L.S. : Sur le PLF2025, nous avons tout d’abord obtenu le renforcement de la déduction pour épargne de précaution (DEP) qui va nous permettre de mieux affiner notre gestion pluriannuelle. Le texte a entériné une exonération à hauteur de 30 % et prévoit une rétroactivité pour 2024. Après une année fortement marquée par les intempéries et les épisodes sanitaires (FCO, MHE…) , cette disposition est la bienvenue. La deuxième mesure concerne ce qu’on appelle communément la mesure élevage, c’est-à-dire le fait pour un éleveur de pouvoir provisionner à hauteur de 15 000 euros par exploitation l’augmentation de la valeur de son stock vif. L’objectif de ce dispositif fiscal est de lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin français et soutenir son développement en France. Cette déduction, réalisée dans le cadre de la transparence GAEC, sera appliquée fiscalement mais aussi socialement, c’est-à-dire sur les cotisations sociales de la MSA, jusqu’à la fin de l’année 2027.
Quelles sont les autres mesures adoptées ?
L.S. : Nous avons pu obtenir l’augmentation du taux d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB). Le taux passe ainsi de 20 % à 30 %, ce qui représente 50 millions pour la ferme France. Selon nos calculs, cette somme représente environ cinq euros par hectare. Ce n’est pas négligeable. Par ailleurs, pour promouvoir la transmission et l’installation, le gouvernement a prévu de revaloriser trois dispositifs fiscaux « pour favoriser la transmission à un nouvel installé, pour un effort d’environ 20 millions d’euros ». Cela concerne notamment l’exonération de plus-values sur les transmissions d’entreprises individuelles, en rehaussant les seuils concernés ; l’exonération de droits de succession et de donation en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et aussi l’ouverture du régime d’exonération des plus-values en cas de retraite en faveur de jeunes agriculteurs dans les situations de cession se réalisant sur une longue période. Ces articles sont d’ailleurs en lien avec le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, actuellement débattu par les sénateurs.
S’il ne fallait retenir qu’une mesure historique parmi toutes celles obtenues ?
L.S. : Elles le sont toutes à nos yeux. Car elles résultent des actions que les FDSEA et les JA ont menées dans leurs départements et leurs régions depuis plus d’un an. Je pourrais citer le cumul de l’exonération de cotisations sociales "Jeunes Agriculteurs" avec les taux réduits de cotisations maladie et famille ou la pérennisation du TO-DE (travailleur occasionnel-demandeur d’emploi). Ce dispositif va bénéficier d’une exonération fiscale des cotisations patronales pour les salaires jusqu’à 1,25 fois le Smic. Autre mesure que nous avons obtenue : celle de la sanctuarisation du Gasoil non routier (GNR). Le gouvernement voulait supprimer progressivement l’exonération fiscale sur le GNR. Sous notre pression, il a finalement abandonné ce projet. A titre personnel, je pense que la mise en place du calcul des retraites sur les 25 meilleures années, dès le 1er janvier 2026, est une victoire historique. Cet alignement sur les autres catégories socioprofessionnelles (à l’exception toutefois des fonctionnaires) n’est que justice, pour les générations actuelles et pour les futures. Ces petites et grandes victoires nous donnent raison : il ne faut rien lâcher et, sur le plan fiscal et social nous n’avons rien lâché.
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