«Continuer à peser dans la balance des décisions de l'administration»
À la veille de la moisson, Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l'Oise, fait le point des dossiers en cours.
Régis Desrumaux, vous avez été réélu à la présidence de la FDSEA de l'Oise en ce début d'année. Quels ont été les sujets principaux sur ces six premiers mois ?
Ces six premiers ont été comme les six derniers de la précédente mandature, très denses en actualité syndicale. Pour vous citer les sujets principaux, les contrôles, la Pac, notamment pendant la période de déclaration, la révision du Par (Programme d'actions régional directive nitrates) depuis mars qui doit être bouclée pour cet été, la sécheresse, l'irrigation, sans oublier, en ce début de moissons, la prévention des incendies. Il s'agit de quelques sujets, mais nous avons aussi le quotidien et la défense individuelle qui est de plus en plus prégnante. Bien évidemment, nous avons aussi les dossiers qui nécessitent de ne surtout rien lâcher comme le canal Seine Nord Europe, Magéo et le projet Photosol.
Sur la Pac, vous attendez toujours la réponse du ministère pour 2024 et la dérogation Ukraine ?
Oui, nous attendons toujours et on commence à bouillir. La Pac est bien un dossier qui démontre que le ministère est complètement déconnecté de la réalité du haut de sa tour d'ivoire. Nos assolements se décident aujourd'hui ; comment prévoir avec l'incertitude des 4 % à mettre en jachère ? Et cela reste complétement incohérent avec l'actualité en Ukraine, sans oublier les problèmes climatiques dans les autres pays. On marche sur la tête. Tout ça pour satisfaire des idéos écolo-bobos ! Sur la Pac, on se bat toujours pour les petites retraites, ainsi que les accidents de cultures subis ce printemps et pouvant mettre à mal l'écorégime, alors que le boulot a été fait par les agriculteurs.
L'Oise est de nouveau touchée par la sécheresse. Un nouvel arrêté est tombé en fin de semaine dernière. En tant que représentant agricole, comment appréhendez-vous ce début d'été ?
Nous sommes très inquiets. Les exploitations qui disposent de l'irrigation ont fait de gros investissements. Il y a des contrats en face, donc des engagements des agriculteurs. Il faut bien entendu prendre en compte les hauteurs des nappes phréatiques, mais ne surtout pas ignorer les conséquences économiques. Depuis ces dernières années, vu les difficultés climatiques rencontrées, les irrigants et nos représentants de la section Irrigation FDSEA travaillent à optimiser l'utilisation de l'eau, ces travaux se poursuivent et doivent être reconnus dans les prises de décision par la préfète. Autre conséquence de la sécheresse... le risque d'incendies de moisson. Là encore, nous avons travaillé depuis 2019 à améliorer le dispositif sur cette prévention avec le Sdis, JA et la Chambre d'agriculture. En premier lieu, nous avons travaillé à la prévention. Nous avons organisé deux réunions avec la MSA, l'équipe du Sdis et Didier Sallé, responsable de la distribution des assurances professionnelles de Pacifica, fin juin. Nous avons organisé sur plusieurs secteurs la révision des extincteurs. Cet hiver, suite au recyclage de cuves militaires, nous avons pu mettre en place sur des zones blanches un stockage de 10.000 l d'eau à disposition des pompiers, évitant de perdre du temps, impensable en cas d'incendie. Et nous avons bien sûr réactualisé nos référents locaux pour l'action rapide du Sdis. L'appli «Prévention incendie» pour géolocaliser les feux est toujours disponible, et nous invitons tous les agris à la télécharger. Nous rappelons également que pour l'achat de matériel de prévention, le Conseil départemental subventionne à hauteur de 80 %, plafonné à 1.000 EUR. Cette année, la MSA aide à hauteur de 500 euros pour les cuves frontales. Pacifica travaille également à une aide accompagnant l'acquisition de matériel (cuves frontales) pour ses sociétaires.
La défense syndicale et le travail de dossier se font également en région. Vous citiez en début d'interview le PAar. Quel travail est en cours sur ce sujet nitrates ?
Le Par est le programme d'actions régional pour la réduction des nitrates, c'est ce que l'on appelle la directives nitrates. Il est actuellement en révision suite à la validation du Pan (plan d'actions national) qui donne le cadre. Certaines actions peuvent être renforcées selon les régions et la teneur en nitrates des captages. Les discussions sont compliquées avec la Dreal et le préfet de Région qui souhaitent mettre des contraintes inacceptables sur les Zar (zones d'actions renforcées, captages supérieurs à 40 mg/l). Aujourd'hui, nous avons tracé des lignes rouges. Si elles sont dépassées, on bougera. Hors de questions de laisser passer des décisions qui plomberont nos exploitations !
Un des dossiers qui inquiètent certains secteurs par son impact foncier est Photosol sur l'ancienne base militaire de Creil. Qu'en pense la FDSEA de l'Oise ?
Déjà, précisons qu'installer des panneaux photovoltaïques sur une zone militaire délaissée pouvant produire de l'électricité pour 85.000 personnes est un projet de belle envergure. Là où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la compensation environnementale. Ce sont nos terres agricoles qui sont impactées, cela concerne une centaine d'hectares à proximité. Nous l'avons affirmé à la préfète, nous ne sommes pas d'accord ! Depuis nos discussions, le projet a été révisé à la baisse. Mais là où cela nous échappe, c'est que les terres n'appartiennent plus à l'agriculture, mais au EPFLO (Établissement public foncier local de l'Oise). Certaines personnes colportent que la FDSEA serait laxiste et laisserait faire le projet et cette compensation sans bouger. Bizarrement, aucun retour sur mon téléphone, et je peux vous affirmer que lorsqu'il y a un problème, il sonne rapidement ! Comment aujourd'hui, agir alors que le foncier n'est pas porté par la Safer ? Nous héritons de décisions et d'actes pris il y a quelques années. Nous sommes en pleine négociation avec Photosol, l'EPFLO et la préfecture pour trouver des solutions supportables pour les agriculteurs impactés. Premièrement, pour les terres mises en compensation, nous travaillons à trouver des projets agricoles raisonnables (et non pas 3 moutons à l'hectare !). Deuxièmement, il faut que Photosol accompagne financièrement les agriculteurs impactés sur la réalisation de projets individuels ou collectifs (exemple : aide sur le branchement de panneaux photovoltaïques en toiture, qui peut être trop élevé à supporter selon la distance au transformateur. La position est claire : l'État s'accapare 100 hectares agricoles pour la compensation environnementale sur un projet hors agricole. Nous ne sommes pas en position de force, mais nous ne restons pas les bras croisés ! Et cette défense se fait évidemment d'un commun accord avec la Chambre d'agriculture et JA60. Nous allons organiser une réunion de secteur avec les agriculteurs impactés pour en échanger entre les moissons d'orge et de colza.
Merci président Desrumaux. Un dernier message ?
Il y aurait énormément d'autres sujets à évoquer, mais il nous aurait fallu un journal entier (rires). Nous sommes sur le terrain régulièrement et j'invite d'ores et déjà les adhérents en septembre à une journée avec la présence d'Arnaud Rousseau (date communiquée prochainement). Je souhaite remercier tous les élus engagés à la FDSEA, qui passent du temps, de l'énergie, sur le terrain, sur les dossiers. C'est ce qui fait la force de notre réseau. Je tiens à remercier également tous nos adhérents qui nous font confiance car sans eux, nous n'existerions pas. Et au vu de l'actualité et tous les dossiers à défendre, il est indispensable de pouvoir faire contre-poids. Bonne moisson à tous et soyez prudents !
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