Ces petites bêtes rares qui peuplent nos campagnes
Le bout de votre jardin est peut-être une Znieff (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). Grâce à des bénévoles engagés, ces habitats privilégiés pour de nombreuses espèces sont passés au peigne fin.
À coups de parapluie japonais et de filet faucheur, Gilbert espère capturer des insectes rares. Les coccinelles et les punaises n’ont presque plus de secrets pour lui, mais certaines espèces lui sont encore inconnues. «Il en existe tellement ! Malheureusement, beaucoup disparaissent, à cause du changement climatique, de l’activité humaine ou du changement de milieu.»
Ce vendredi matin, le bénévole passionné de nature accompagne Simon Barbier, chargé d’études à Picardie nature, pour l’actualisation d’une Znieff à Mory-Montcrux (60). Une Znieff ?
Il s’agit d’une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique : un espace naturel inventorié en raison de son caractère remarquable. «Aujourd’hui, notre travail consiste à répertorier les espèces qu’on y trouve pour observer l’évolution de ce milieu», explique Simon Barbier. Si certaines sont classées déterminantes, la zone restera une Znieff. Si, au contraire, la zone ne semble plus avoir d’intérêt en termes de biodiversité, elle pourra être déclassée.
Appel à bénévoles
Denis, lui aussi bénévole, participe à son premier inventaire sur une Znieff. «J’ai toujours aimé aller au jardin. Je me suis beaucoup intéressé aux oiseaux et, finalement, j’ai développé un réel attrait pour les insectes», confie-t-il. Le jeune retraité a beaucoup à apprendre, il le concède. Mais aujourd’hui, il bénéficie des yeux expérimentés de Simon et de Gilbert. Ce dernier, lui aussi à la retraite, a été garde de la réserve naturelle de la Baie de Canche pendant vingt-cinq ans. Il ne se voit pas quitter le terrain de sitôt. «Ces bénévoles sont précieux, car plus il y a de personnes pour réaliser les inventaires, plus ceux-ci sont complets», assure Simon Barbier. Picardie Nature accueille toute personne intéressée, même novice. Il n’est jamais trop tard pour apprendre.
Chouette chevêche et criquet italien
Ce matin de septembre, dans cette zone de coteau calcaire, on espère trouver les bestioles adeptes de ce paysage arpenté. «En fin d’été, les papillons de jour de fin de saison volent toujours, et les sauterelles et criquets sont toujours de sortie.» Simon Barbier craint de ne pas retrouver les mêmes observations qu’il y a une vingtaine d’années, lorsque la Znieff a été répertoriée. «Ce site n’est pas entretenu, donc il se referme. Les espèces qui vivent en milieu ouvert peuvent disparaître.»
Mais la chasse du jour est bonne. Surprise : Simon, Gilbert et Denis dénichent en une seule journée un total de 155 données pour 107 espèces différentes. Parmi ces espèces, cinq sont déterminantes. Le bruant jaune, ce petit passereau en déclin, et le chardonneret élégant, lui aussi un passereau, qui figure sur la liste rouge des espèces menacées en France éditée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, sifflent gaiement sur un arbrisseau.
Certainement surprise par les visiteurs, la Chevêche d’Athéna, petite chouette trapue qui aime se blottir dans les vieux pommiers, est sortie de sa sieste. «Elle devait loger dans une cavité de la paroi crayeuse. C’est une vraie chance de l’apercevoir !» On la trouve généralement près des zones de prairies et de culture. Les chercheurs du jour ont aussi pu observer un lézard des murailles et un criquet italien, tous deux déterminants en Znieff.
De retour au bureau, les notes sont relues, les photos sont triées, et chaque petite bête est répertoriée sur Clicnat (https://clicnat.fr), la base collaborative d’observation de la faune sauvage de Picardie nature. Le site de Mory-Montcrux restera répertorié en Znieff pour les prochaines années. Rendez-vous d’ici treize ans, au même endroit, dans l’espoir que la chouette chevêche et ses compagnons y trouveront toujours refuge.
156 Znieff dans la Somme
La Picardie compte un peu plus de 500 Znieff, dont 156 dans la Somme. Les missions d’actualisation de ces Znieff est confiée au Conservatoire botanique national de Bailleul pour la flore, et à Picardie nature pour la faune. «Elles n’ont pas d’impact réglementaire, mais le travail de veille permet d’évaluer l’évolution de la biodiversité de notre région», note Thomas Hermant, Chargé d’études scientifiques observatoire faune chez Picardie nature. Chaque Znieff est actualisée tous les treize ans, entre mars et octobre. Le déclin des espèces est réel : «en moyenne, on observe 30 % des espèces qu’on observait treize ans auparavant.» Alors si une petite bête très rare est observée à un endroit, un travail de conservation du site peut être mené. «Nous essayons de contacter le propriétaire du lieu. Il s’agit parfois d’un privé, ou d’un agriculteur, qui n’est pas au courant que son terrain est une Znieff.»
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