Carrefour donne des gages sur la déforestation
Après la publication d'un rapport de l'ONG Mighty Earth sur la déforestation, Carrefour a suspendu ses approvisionnements chez deux abattoirs JBS. Un gage qui s'inscrit dans un plan forêt dévoilé début septembre par le distributeur, mais qui pourrait se révéler insuffisant.
«Nous ne traitons pas ce rapport à la légère», assure-t-on chez Carrefour. Dans une étude dévoilée le 5 septembre, à l'occasion d'une manifestation devant un magasin français, l'ONG Mighty Earth a rappelé la responsabilité du géant de la distribution dans la déforestation au Brésil. Selon les calculs de l'association, «Carrefour serait associé à 4,5 % de la déforestation.» En cause : ses approvisionnements pour deux tiers de ses produits carnés chez le géant de la viande brésilien JBS.
Grâce à des données d'autres ONG, Might Earth a par ailleurs identifié dans son rapport les deux abattoirs qui «exportent le plus de déforestation», situés à Pimenta Bueno et à Vilhena, dans l'État amazonien du Rondonia. Deux sites à partir desquels Carrefour a suspendu ses approvisionnements au lendemain de la publication du rapport. Un arrêt «provisoire en attendant les résultats d'une enquête interne», explique Carrefour, soulignant que «JBS est soumis aux mêmes règles que ses autres fournisseurs».
On le rappelle également : «Le rôle de la filière bovine dans la déforestation est un problème très brésilien.» Si les atouts de l'Amazonie en matière de climat ou de biodiversité sont bien des enjeux internationaux, très peu de produits carnés issus du Brésil, rappelle-t-on, se retrouvent dans les rayons du distributeur dans les autres pays d'Amérique latine, sans parler de l'Europe. Parmi les rares exceptions, un produit à base de boeuf séché, qui a été récemment retiré de Belgique suite à une alerte des associations.
Des engagements dès 2010
L'alerte demeure malgré tout gênante pour Carrefour qui s'était engagé dès 2010, dans le cadre du Consumer Goods Forum, à éviter toute déforestation dans ses chaînes d'approvisionnement en 2020. Certes, la proximité de Jair Bolsonaro avec les grands exploitants agricoles n'a pas facilité l'atteinte de l'objectif. Mais dix ans plus tard, l'objectif semble toujours aussi lointain pour le boeuf, et le groupe a dû publier début septembre une nouvelle politique de lutte contre la déforestation. En améliorant la traçabilité de ses fournisseurs directs et indirects, Carrefour espère désormais réduire «son approvisionnement dans des zones critiques de 50 % d'ici 2026 et de 100 % d'ici 2030».
Le distributeur, s'il ne parvenait pas à atteindre ses objectifs, risque de se retrouver sous le coup de procédures juridiques au nom du devoir de vigilance. Pour l'heure, rappelle cependant Sébastien Mabile, l'avocat des ONG «aucune entreprise n'a été directement condamnée sur le fond au nom du devoir de vigilance».
Un cadre européen en cours d'élaboration
La mise à l'écart des abattoirs brésiliens ne suffira d'ailleurs pas à contenter les ONG. «Cesser de s'approvisionner auprès de deux abattoirs de JBS représente pour Carrefour 12 % de sa viande de boeuf au Brésil, c'est un premier pas, mais le chemin reste long», estime Boris Patentreger, directeur France de Mighty Earth. Et d'appeler Carrefour à exclure également de ses partenaires d'autres sociétés comme les traders Bunge et Cargill. Dans son rapport, Mighty Earth rappelle, entre autres que la société LDC, «principal fournisseur de poulets et d'oeufs pour les marques propres du groupe Carrefour en France, [...] s'approvisionne auprès de la société (américaine) Bunge».
Le Parlement européen adopte une position ambitieuse
Le Parlement européen a adopté le 13 septembre une position ambitieuse sur la proposition de la Commission européenne visant à lutter contre l'importation de produits responsables de déforestation. Les eurodéputés ont ajouté à la liste prévue des produits couverts par le règlement (bovins, l'huile de palme, soja, bois, cacao et café) d'autres productions : les viandes porcines, ovines et caprines, la volaille, le maïs, le caoutchouc, ainsi que le charbon de bois et les produits en papier imprimé. Ils demandent également à avancer d'un an la date à partir de laquelle les produits concernés ne doivent pas avoir été fabriqués sur des terres déboisées. Et ils se prononcent enfin pour un dispositif de géolocalisation et de traçabilité des parcelles. Autant d'éléments qui font diverger la position du Parlement européen de celle adoptée en juin par les États membres de l'UE avec lesquels des négociations en trilogue vont maintenant pouvoir s'engager. La République tchèque qui assure la présidence tournante du Conseil de l'UE a fait de ce dossier l'une de ses priorités et espère boucler les négociations avant la fin de l'année.
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