Bio: discussions autour des aides d'urgence
Le ministère de l'Agriculture a donné neuf jours de plus aux agriculteurs bio pour bénéficier des 60 millions d'euros d'aides d'urgence. Mais la Fnab et l'Agence bio contestent les critères d'éligibilité et alertent sur de grosses pertes à venir sur la récolte 2023 en grandes cultures.

Le ministère de l'Agriculture a annoncé le 14 septembre que les agriculteurs bio disposent de neuf jours supplémentaires, soit jusqu'au 29 septembre, pour prétendre à l'enveloppe de 60 millions d'euros (MEUR) d'aides d'urgence. Celle-ci avait été annoncée le 17 mai par le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, en complément d'une première enveloppe de 10 MEUR promise au Salon de l'agriculture, qui avait été jugée très insuffisante par les professionnels vu la crise du marché bio.
Peuvent y prétendre les exploitants dont l'ensemble des productions et surfaces sont certifiées bio ou en conversion. Ils doivent accuser une perte d'EBE d'au moins 20 % et une dégradation de trésorerie d'au moins 20 % sur l'année 2022-2023, par rapport à la moyenne des exercices comptables de 2018 et 2019. «L'aide compensera jusqu'à 50 % de la perte d'EBE, et devra représenter un montant minimum de 1 000 EUR», précisait le ministère de l'Agriculture.
Ces critères sont pourtant loin de satisfaire les professionnels. Présent sur le salon Tech & Bio qui a débuté à Bourg-lès-Valence (Drôme) le 20 septembre, le président de la Fnab Philippe Camburet a indiqué avoir demandé plusieurs ajustements au ministère de l'Agriculture. Le réseau de producteurs bio requiert un assouplissement sur le critère de dégradation de trésorerie d'au moins 20 % en 2022-2023. «On demande que l'analyse comptable des chiffres des exploitations prenne en compte les apports personnels qui ont réussi à soutenir les trésoreries - en gros, les perfusions que les producteurs ont pris d'eux-mêmes sur leurs fonds propres pour soutenir leur trésorerie. Ce n'est pas du tout pris en compte, et c'est un exemple de ce qui est discriminant sur le terrain entre ceux qui ont tout sacrifié pour soutenir leur ferme, et ceux qui choisissent peut-être d'avoir des emprunts bancaires plus importants», a expliqué Philippe Camburet.
Une demande qui a été entendue par le ministère. La Rue de Varenne a mis à jour, le jour même, la FAQ publiée sur le site de FranceAgriMer. La dernière version (V5) indique que les situations présentant des éléments exceptionnels (absence de versement de salaire, injection de trésorerie personnelle...) «doivent être évaluées par le comptable» au vu de «sa connaissance de l'entreprise». «Cela ouvre la possibilité aux centres de gestion d'être plus souples dans l'analyse de la trésorerie», s'est réjouie la déléguée générale de la Fnab Sophia Majnoni d'Intignano, le lendemain. Sa fédération demande aussi que soient acceptés, dans les dossiers de demande de l'aide, les justificatifs comptables obtenus après clôture de l'exercice vu «le temps de latence» des démarches qui peuvent prendre «deux, trois, quatre, cinq, six mois». «Il faut au moins qu'on ait la possibilité de prendre en compte tous les documents qui vont arriver, pour toutes les clôtures possibles, jusqu'au 29 septembre.»
Mais elle ne semble pas avoir été entendue sur ce point. «L'exercice comptable admissible à l'indemnisation doit être clôturé entre le 01/06/2022 et le 31/05/2023», signale toutefois une nouvelle ligne (n°45) ajoutée à la FAQ.
«Coup de massue» en grandes cultures
Pour le président de l'Agence bio Loïc Guines, il faut proposer l'aide au-delà de cette date butoir. «Il faut qu'on la prolonge, qu'on ne s'arrête pas à un dépôt de dossiers au 29 septembre», affirme-t-il en anticipant des difficultés pour les producteurs de céréales. Un constat partagé par le président de la Fnab, selon qui les grandes cultures bio vont «prendre un coup de massue» car «comme le lait et les oeufs il y a un an, c'est cette année que l'impact sur les prix sera le plus fort». «La récolte 2023 va, en gros, rester dans les fermes, elle ne va pas trouver de débouchés [...] car il n'y a pas d'acheteurs, la restauration collective ne décolle pas, la consommation grand public ne décolle pas non plus et l'export est chargé», explique Philippe Comburet.
La Fnab, citant un travail de prospective d'Arvalis, indique que la perte de revenu pour la filière blé tendre pourrait aller «jusqu'à 60 millions d'euros» (sur la base d'une perte moyenne de 100 à 150 EUR la tonne). «Si on extrapole aux grandes cultures, cela représente une perte de 100 à 150 millions d'euros en 2023», a précisé la déléguée générale de la Fnab Sophia Majnoni d'Intignano.
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