Arrêté sécheresse bassin de l’Automne : encore des contraintes !
Le 9 juillet dernier, le préfet de l’Oise a pris un arrêté limitant les usages de l’eau. La situation d’alerte concerne le bassin versant de l’Automne.

Les bassins versant du Thérain, de la Divette-Verse et de l’Ourcq sont quant à eux en situation de vigilance. Olivier Pilat, président de l’Association des irrigants du bassin de l’Automne et de la Nonette et membre du bureau de la commission locale de l’eau de la Nonette (Clen), nous éclaire sur la question.
L’arrêté parle «d’un usage de l’eau compte-tenu de la sécheresse» : que pouvez-vous nous dire de cette sécheresse actuelle sur le bassin versant de l’Automne ?
Olivier Pilat : Comme sur une grande partie de la France, le stress hydrique est très important sur le bassin de l’Automne. Cependant, Il ne faut pas confondre sécheresse superficielle des sols et baisse des niveaux de nappe.
La dernière mesure de la Dreal (Direction régionale de l’environnement et de l’alimentation) indique une baisse de 6 cm (ce qui est très faible) de la nappe du lutétien à Fresnoy-le-Luat et reste dans les normales.
Par contre, il est vrai que le niveau de la rivière Automne a baissé très légèrement, ce qui a déclenché cet arrêté.
Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec la Cle (Commission locale de l’eau) pour la révision des Sage (Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau) de l’Automne et de la Nonette.
Le constat est que nous n’avons pas de connaissances précises sur le lien entre le niveau de la nappe phréatique et le débit des rivières.
L’enjeu est d’avoir plus de connaissances sur le niveau des nappes et des rivières et d’obtenir une modélisation. C’est pourquoi nous ne pouvons pas dire que le bassin versant de l’Automne est actuellement réellement en sécheresse : les nappes phréatiques sont pleines.
Les restrictions reposent sur des seuils qui sont discutables. Le comité sécheresse se réfère à l’arrêté cadre qui donne les règles pour plusieurs années et l’agriculture reste toujours la variable d’ajustement.
L’arrêté détermine des restrictions au niveau de l’irrigation, y-a-t-il beaucoup d’irrigation sur ce bassin ? Que pensez-vous de la mesure sur la restriction des horaires d’irrigation ?
OP : Sur le bassin de l’Automne, il y a très peu d’irrigants. Le volume de prélèvement d’eau dans le bassin pour l’agriculture est très faible et quasi exclusivement dans la nappe. C’est pourquoi les restrictions sur l’irrigation ne règleront absolument pas le problème de la baisse des niveaux dans les rivières.
Mais l’eau est un sujet qui passionne et l’irrigation a le défaut d’être visible par toute la population. Alors, c’est une mesure facile et populaire. La restriction représente 6 h d’irrigation de moins par jour pour le moment. C’est donc 25 % de surface en moins arrosée, avec un risque sur la qualité de nos productions.
Il faut bien comprendre que nos productions irriguées supportent des coûts de production très importants. Pénaliser l’irrigation, c’est pénaliser notre chiffre d’affaires et donc notre revenu.
Enfin, les restrictions horaires sont vraiment très perturbantes dans notre métier. Elles décalent totalement le travail. Certaines tâches se trouvent à faire la nuit et occasionnent une surcharge importante de travail, ce qui n’est pas vraiment nécessaire en cette période, surtout avec une moisson très précoce cette année.
C’est un sujet en débat mais, pour ma part, je serais favorable à une gestion volumétrique des prélèvements, dans la mesure où on ne nous rajoute pas de restrictions horaires.
Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt de l’irrigation ?
OP : L’irrigation permet de faire des cultures à plus forte valeurs ajoutées pour des industries régionales. Elle permet ainsi la création d’emploi et de répondre au Manger français.
Certains secteurs de la grande distribution sont demandeurs de production locale pour répondre aux attentes des consommateurs. L’irrigation permet une meilleure régularité de la production et augmente le niveau de qualité.
Elle permet également la bonne utilisation des intrants et aux industries agro-alimentaires de sécuriser leur approvisionnement tant en volume qu’en qualité.
Au niveau agronomique, elle permet une plus grande diversité des assolements ce qui est très appréciable pour la gestion du parasitisme et des adventices.
Nous avons créé cet hiver l’association des irrigants du bassin de l’Automne et de la Nonette, dont je suis le président. L’objectif est de soutenir l’irrigation et les productions irriguées sur le territoire, de participer aux réflexions sur la gestion de l’eau du bassin et d’expliquer les enjeux aux acteurs locaux. Je reçois fréquemment des groupes sur l’exploitation et peu de personnes connaissent le sujet réellement. Une fois les explications faites, le dialogue peut vraiment démarrer.
Quelles sont les conséquences de cet arrêté pour l’agriculture ?
OP : Au delà de la perspective à court terme de perte probable de revenu pour 2015, le risque à plus long terme est la perte d’intérêt de notre territoire pour les acteurs de l’agro-alimentaire. Avec des restrictions précoces et récurrentes, ils iront chercher des territoires ailleurs.
Pour conclure…
OP : Je souhaiterais que l’on réfléchisse dès à présent sur un nouvel arrêté cadre avec une réelle concertation des différents acteurs de l’eau. Ensemble, nous pourrions progresser sur la connaissance de nos milieux, apporter plus de crédibilité aux mesures prises sans pénaliser systématiquement les agriculteurs. Du bon sens, de la connaissance, et une volonté de tous d’aller de l’avant !
Propos recueillies par Carine Vasseur
NDLR : Cet arrêté concerne également les particuliers, les collectivités, les industriels.
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