L'Oise Agricole 09 juillet 2021 a 11h00 | Par DLC

«Anticiper les évolutions et optimiser mon outil de travail»

À 32 ans, Matthieu Carpentier est installé en Gaec avec ses parents depuis 2018 sur une exploitation de polyculture-élevage laitier à Pierrefitte-en-Beauvaisis. Il cherche à optimiser son outil de travail en anticipant les évolutions à venir.

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Matthieu Carpentier, jeune éleveur plein de projets.
Matthieu Carpentier, jeune éleveur plein de projets. - © DLC

«Je suis heureux dans mon métier d’éleveur laitier, même si le regard de la société est parfois dur à vivre. Pourtant, je ne manque jamais de répondre aux questions que me posent les promeneurs que je rencontre», lâche Matthieu Carpentier. Le jeune agriculteur, installé avec ses parents de 62 et 58 ans, a déjà fait évoluer la structure, même avant son installation.

Des améliorations techniques

Après un baccalauréat professionnel et une spécialisation en élevage laitier, il a été agent de remplacement au Service de remplacement de l’Oise, salarié à temps partiel chez un agriculteur, puis sur la ferme familiale pendant plusieurs années. «Mon passage au Service de remplacement a été une formidable expérience, tant sur le plan humain que technique. J’y ai rencontré des exploitants très différents, découvert des techniques innovantes, expérimenté les trucs et astuces que développe chaque éleveur. Cela m’a ouvert l’esprit et fait prendre du recul quant à nos pratiques», concède le jeune exploitant. Déjà, depuis un moment, il s’occupait de la génétique des 80 vaches laitières Prim Holstein noires ou rouges. Il a suivi une formation pour inséminer lui-même. C’est surtout en terme d’alimentation des animaux que Matthieu Carpentier a fait évoluer les pratiques de la ferme familiale. «Auparavant, nous pratiquions le pâturage tournant au fil sur les 10 ha de prés autour du corps de ferme. Maintenant, je l’ai vu chez un agriculteur et j’ai été convaincu : j’ai fait des paddocks entre lesquels les vaches tournent. Cela demande moins de travail», témoigne-t-il. De même, il a introduit la luzerne dans l’assolement. 2,5 hectares ont été semés en 2018 avec l’objectif d’une plus grande autonomie alimentaire et notamment protéique. L’enrubannage de luzerne est proposé en libre-service aux laitières.

Autre point modifié, le regroupement des vêlages. «Je cherche à pouvoir sortir toutes les génisses d’élevage au pâturage. Pour cela, les vêlages doivent avoir lieu entre avril et septembre pour une mise à l’herbe au printemps suivant. Petit à petit, nous y arrivons, mais il reste encore des vêlages d’hiver que le renouvellement du troupeau va finir par annuler», détaille Matthieu Carpentier. Enfin, il reconnaît qu’il a également des progrès à faire en termes de qualité de lait. 700.000 litres sont livrés tous les ans à Sodiaal, même si, par le biais d’échanges entre laiteries, ils sont dirigés vers l’usine Lactalis de Clermont. «Je dois augmenter mes taux de matières grasses et protéiques, ce qui me permettra d’avoir un meilleur prix. Le levier à actionner est bien entendu celui de l’alimentation.»

Le jeune éleveur essaie de sortir son bétail le plus tôt possible en saison, dès que la portance des sols le permet. Les herbages autour du corps de ferme accueillent les laitières et 25 hectares à 4 km sont destinés aux génisses et à la fauche pour faire du foin. De l’ensilage maïs, produit sur 25 ha, complète la ration, ainsi que des betteraves fourragères sur 3,5 ha. À cela s’ajoutent 2 hectares de méteil semés en dérobé derrière un blé et avant maïs, pratique découverte à l’occasion d’un remplacement sur une exploitation. Le mélange est composé de pois, vesce, triticale et blé, mais l’exploitant s’interroge car cela l’oblige à semer le maïs assez tard. Peut-être faire un peu plus de luzerne à la place, d’autant que cette dernière occupe des parcelles de moindre potentiel pour un résultat tout à fait correct pour le peu qu’on s’en occupe. Enfin, des achats extérieurs sont réalisés, des aliments composés à base de soja et colza pour une correction azotée. «Un concentré de production est distribué automatiquement aux meilleures laitières car le troupeau est équipé de colliers», précise Matthieu Carpentier. Les génisses sont essentiellement élevées avec une ration sèche d’orge et de paille produites sur la ferme, avec un correcteur azoté. La production moyenne est de 9.000 litres par vache et par an. Les veaux mâles sont vendus et toutes les génisses élevées.

 

Des changements à venir

Matthieu Carpentier réalise la traite du soir qui dure 1 heure 30 pendant que son père est en charge de celle du matin. Sa mère s’occupe plus particulièrement des veaux. La salle de traite, construite en 1996, est en deux fois 6 postes avec décrochage automatique.

Parents et fils prennent des congés, l’été ou l’hiver, et n’hésitent pas à faire appel au Service de remplacement. Mais le jeune éleveur s’interroge déjà sur l’évolution de sa structure, notamment lorsque ses parents prendront leur retraite. Il va falloir repenser l’organisation du travail. «Déjà, je vais pousser à bout ma logique de regroupement des vêlages pour avoir une période plus calme dans l’année. Ensuite, comme je pense faire les deux traites quotidiennes, je pourrais faire appel à l’entreprise pour mes travaux en plaine et notamment l’épandage», imagine le jeune exploitant.

Mais le changement le plus marquant sera sans doute l’intégration de son frère Thibaut, de 11 ans son cadet, sur l’exploitation familiale. Ce dernier ne s’installera pas avant trois ou quatre ans, il suit actuellement un certificat de spécialisation caprine. «Mon frère souhaite créer un nouvel atelier sur l’exploitation car il n’a aucun goût pour l’élevage bovin laitier. Il veut monter un troupeau de chèvres mais, pour l’instant, n’envisage pas de transformation. Or, dans l’Oise, aucune structure ne collecte le lait de chèvre vers un industriel. Et puis il faudra réaménager les bâtiments, voir en monter pour accueillir ce troupeau», confie Matthieu Carpentier. Il imagine que chacun aurait son élevage et que les terres seraient gérées en commun, mais convient que son frère doit d’abord mûrir son projet et étudier sa faisabilité avant de se lancer.

En attendant ce potentiel virage sur l’exploitation, Matthieu Carpentier a quand même quelques améliorations en vue pour son troupeau laitier. D’abord, il aimerait équiper ses vaches de détecteur de chaleurs qui pourraient être ajoutés aux colliers que portent déjà les animaux. Il a d’ailleurs budgeté cet achat dans la deuxième tranche du dossier PCAE qu’il a déposé (voir encadré). Ensuite, il aimerait installer des portes de tri automatiques qui pourraient être connectées également aux colliers. Enfin, au sein du corps de ferme, il aimerait installer ce qu’il appelle une zone neutre, «un espace accessible à chacun des associés pour séparer lieu de travail et univers familial».

Des échanges

Sinon, Matthieu Carpentier est plutôt heureux dans son métier même si la cohabitation est moins facile avec les néo-ruraux qu’avec les habitants qui sont nés dans le village et comprennent mieux le rythme des travaux agricoles. «Mes vaches empruntent un peu le tour de ville de Pierrefitte-en-Beauvaisis et cela me pose parfois difficulté avec les promeneurs. J’essaie pourtant d’entamer le dialogue et de répondre aux questions. Je trouve parfois difficile à vivre le regard que pose la société sur l’activité agricole», confie-t-il.

Il s’implique dans le syndicalisme jeune, il est président du canton de Songeons et participe à l’organisation de Campagne en fête qui aura lieu les 11 et 12 septembre prochain à Troissereux. «Être aux JA permet de sortir de son exploitation, de nouer des amitiés, de créer des liens et d’échanger. C’est indispensable pour ne pas rester isolé. Avec la charge de travail, on peut vite être la tête dans le guidon».

Le jeune exploitant privilégie l’optimisation de son outil de travail plutôt que la recherche du toujours-plus qui impliquerait plus de production, d’animaux et d’endettement. Faire mieux avec ce qu’il a et s’épanouir dans son travail, voilà son motto.

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