Agriculteurs en colère: l'acte II a commencé
Devant le peu d'avancées obtenues depuis les grandes mobilisations du début d'année et dans la crainte de la signature du projet d'accord Mercosur lors du G20 de Rio, FNSEA et JA ont appelé à la mobilisation. Dans l'Oise, rendez-vous était donné devant la DDT à Beauvais, lundi après-midi.
La pluie battante ne les aura pas freinés. La colère est trop grande. «Il y a plus de monde et de tracteurs que prévu», glisse-t-on du côté des organisateurs. Près de 200 agriculteurs et environ 80 tracteurs se sont retrouvés dans le centre-ville de Beauvais, face à la Direction départementale du territoire (DDT), répondant ainsi à l'appel de la FDSEA et des JA 60 pour protester contre l'accord Mercosur et pour dénoncer les promesses non tenues du gouvernement à la suite des mobilisations de janvier dernier. «Pour ce qui est des contrôles et des charges administratives, rien n'a changé. En attendant, les trésoreries sont au plus mal suite aux mauvaises récoltes et au virus de la FCO qui frappe les élevages», explique Régis Desrumaux, président de la FDSEA de l'Oise, devant les manifestants et les nombreux journalites présents.
On sentait la colère monter depuis plusieurs jours dans les fermes. En fin de semaine dernière, des radars ont été bâchés et tagués par les agriculteurs. Plus tôt dans le mois, certains ont décroché les panneaux d'entrée de communes. Vendredi 15, la FDSEA a allumé des feux de colère à travers tout le département.
Quand les informations ont fait état d'une possible conclusion de l'accord de libre-échange UE-Mercosur, en discussion depuis 20 ans, entre les 27 de l'UE et les pays latino-américains du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), ce fut la goutte de trop : «On impose aux agriculteurs toujours plus de normes, toujours plus de mesures environnementales, sans prendre en compte la faisabilité économique. Et là, l'Europe souhaite signer un accord avec des pays qui ne sont pas du tout soumis aux mêmes règles !»
Selon le syndicat majoritaire, les accords prévoient 99.000 tonnes de viande bovine importées en UE, issue d'élevages utilisant des antibiotiques, insecticides, hormones de croissance, interdits en France ; 8,2 Mhl de biocarburants importés en UE, provenant de cultures menant à la déforestation ou OGM interdites en France, soit 50 % de la production française, 180.000 tonnes de volailles importées en UE, sortant d'élevage utilisant les antibiotiques activateurs de croissance, interdits depuis 2006 en France et 190.00 tonnes de sucre importées en UE, produit à partir de cultures utilisant des produits phytosanitaires, interdits en France, soit 4,5 % de la production. Pour la Fédé comme pour les JA, il s'agit là «d'une concurrence déloyale qui ne respecte aucune de nos normes de production et cela au détriment de la santé du consommateur» et d'«une mise à mal de la souveraineté alimentaire et de l'économie agricole française.»
L'entrée de l'OFB murée
Vers 16 h, le convoi de tracteurs s'ébranle en direction des bureaux beauvaisiens de l'Office français de la biodiversité, emmenant avec lui journalistes et caméras, dont certaines chaînes étrangères. Sur place, ils ont pu voir les manifestants entreprendre la construction d'un mur devant l'entrée des locaux de l'OFB. «On ne veut plus les voir sur nos parcelles ! clame un des maçons improvisés. Il y a un décalage entre ce qui est demandé et ce qui est fait.» Un autre se désole de «l'absence de dialogue et de pédagogie» de ces agents chargés de faire respecter «une réglementation absurde». «Ils ont une méconnaissance totale du travail agricole, ajoute-il. Ils viennent sur nos exploitations en adoptant une attitude de cowboy et de militant pour qui l'agriculteur est présumé coupable.» «Nous sommes des entrepreneurs, des chefs d'entreprise responsables, pas des criminels», s'agace lui aussi Régis Desrumaux, avant d'accrocher une pancarte «À vendre, changement de destination» et que les agriculteurs ne déversent pneus et fumier devant l'entrée.
Le mur érigé, la manifestation dirige vers la préfecture, pour y rencontrer Catherine Séguin, préfète de l'Oise en partance pour l'Isère. Vers 21 h, une délégation composée de représentants de la FDSEA, des JA, du président du syndicat des betteraviers, Alexis Hache, et du président de l'UNPT, Geoffroy d'Evry. À l'unisson, Régis Desrumaux et la délégation ont rappelé les revendications à l'origine de la colère des agriculteurs : l'accord du Mercosur en discussion au niveau européen, «mais, surtout, nous attendons enfin des actes ! La résilience des exploitations, si souvent évoquée par la préfète, ne sera effective qu'avec des moyens pour faire face à la concurrence.»
Catherine Séguin a voulu rappeler le travail déjà effectué pour des mesures de simplification. «Je travaille toujours à faire remonter les revendications de l'Oise.»
Avant leur rendez-vous avez la préfète, c'est la présidente de la commision des affaires économiques à l'Assemblée nationale, Aurélie Trouvé (LFI), qui est venue à la rencontre des manifestants. Elle s'est dit elle aussi opposée au traité de libre-échange : «Rien sans protection contre la concurrence déloyale». Alexis Hache, président de la CGB, présent aux côtés de Régis Desrumaux, lui a malicieusement glissé : «On veut bien aussi être écolo, mais à condition d'être protégés !»
Opération contrôle des marchandises
La mobilisation s'est poursuivie mardi 19. Les péages de l'A1 à Chamant et de l'A16 à Beauvais ont été investis par les Jeunes Agriculteurs de l'Oise et la FDSEA, afin de vérifier la provenance des marchandises agroalimentaires. «Tous les camions transportant de la marchandise ont été fouillés, pas un camion n'a échappé au contrôle des agriculteurs», indique une des participantes. «Le but est également de sensibiliser le grand public sur l'import de denrées alimentaires qui ne sont pas conformes aux normes françaises, aussi bien sur le plan sanitaire que du bien-être animal.»
Mercredi matin, Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, a annoncé sur France Info de nouvelles actions mardi, mercredi et jeudi prochains «pour dénoncer les entraves à l'agriculture et tout ce qui aujourd'hui contraint notre activité».
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