L'Oise Agricole 09 juin 2022 a 08h00 | Par Dominique Lapeyre-Cavé

Agora en chemin vers une agriculture du carbone

La coopérative avait choisi ce thème pour renouer avec son traditionnel Agroforum qui n'avait pu avoir lieu en février dernier pour des raisons sanitaires. Ce 2 juin, presque 300 adhérents se sont retrouvés à Bresles pour des tables rondes variées avec des intervenants de qualité.

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Trois cents agriculteurs sont venus assister à l'Agroforum.
Trois cents agriculteurs sont venus assister à l'Agroforum. - © DLC

La lutte contre le changement climatique va obliger à décarboner l'atmosphère et l'agriculture est la seule capable, avec la forêt, de stocker du carbone tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (GES), comme l'y obligent les accords de Paris. Agora doit donc tracer le chemin, prendre les virages, sortir des sentiers battus pour proposer un autre avenir à l'agriculture.

Ainsi, une démarche bas carbone s'est mise en place au sein de la coopérative et Thibaut Vandewalle, agriculteur à Rémérangles, est venu partager son expérience avec Célie Lemoine, chargée de mission Agroécologie Agora, et Étienne Variot, directeur de Rize AG. Il s'agit de faire un diagnostic de l'exploitation et plus particulièrement de ses pratiques, qui constitue le point zéro, puis de mettre en place un programme d'actions visant à la fois de réduire les émissions de GES, tout en augmentant le stockage du carbone. Par exemple : réduire la fertilisation azotée, changer sa forme, diminuer sa consommation de carburants, introduire des couverts, des prairies permanentes, planter des haies ou se lancer dans l'agro-foresterie, sachant que ces actions n'ont pas toutes la même efficacité. «Il faut actionner les leviers les plus efficaces, qui permettent de dégager le plus de crédits carbones, lesquels seront valorisés», témoigne Célie Lemoine. Pour sa part, Thibault Vandewalle a amplifié les pratiques de ses parents : à la réduction du labour et de l'utilisation des produits phytosanitaires et au bas volume, il a ajouté l'introduction des protéagineux dans l'assolement, des intercultures, choisi une forme solide plutôt que liquide à ses engrais azotés. Au final, les 0,56 crédit carbone par hectare ont été valorisés pour une somme de 6.500 EUR/an.

Étienne Variot, qui accompagne Agora dans la démarche depuis l'accès au référentiel bas carbone grandes cultures jusqu'à l'accès au financement, insiste sur l'intérêt de se lancer et de profiter ainsi d'un coup de pouce financier pour accompagner sa transition écologique. «À terme, cette démarche risque de devenir obligatoire, mais les financements ne seront sans doute plus là», prévient-il. Les bénéfices sont plus larges puisque la biodiversité, la qualité de l'eau, sa santé du sol s'en trouvent améliorées. Malheureusement, les agriculteurs aux pratiques vertueuses et dont les marges de progrès sont moindres ne bénéficieront pas de financements aussi importants.

Arbre de précision

Autre axe de transition, le développement de l'agriculture de conservation des sols (ACS) dont Jean-Luc Forrler, chef de projet à la coopérative Vivescia, est un spécialiste. Selon lui, les couverts sont le levier le plus efficace pour stocker du carbone. Mais, pour cela, ce qui est restitué au sol doit avoir le rapport C/N le plus faible possible. Ces apports vont vers la matière organique liée, qui stocke le carbone, l'eau, les éléments minéraux, pour un début d'autonomie. Avec des C/N élevés, les résidus rejoignent la matière organique libre, qui sert à l'alimentation des plantes et à la vie du sol. L'ACS répond aux enjeux climatiques par une moindre perturbation des sols, la couverture des sols et l'utilisation de plantes compagnes. Vivescia, face aux échecs, a mis au point, avec Terres Inovia, un arbre de décision qui aide les candidats à l'ACS à prendre les décisions adaptées à leur situation. Pour ce qui est des couverts, le choix des espèces et des variétés est primordial et leur C/N à la destruction doit être faible, donc avant floraison. Les mélanges doivent contenir des crucifères et des légumineuses. «Leur présence permet un gain de 2 q/ha sur l'orge de printemps suivante, elles déplafonnent les rendements, assure Jean-Luc Forrler. Un couvert réussi permet de stocker du carbone et réorganise les éléments minéraux disponibles en partie pour les cultures suivantes.» Au final, moins de fertilisation azotée, des auxiliaires favorisés et une restructuration du sol qui compensent largement le coût de la semence du couvert et son implantation. Certaines variétés de moutarde d'Abyssinie et de vesce sont intéressantes : avec un développement de 10 cm de haut, on estime que ce sont 20 unités d'azote économisées pour la culture suivante.

Valoriser ses couverts

Pour ce qui est de valoriser le maximum du potentiel de son couvert, Frédéric Rémy, de la ferme de Saint-Lubin, et Luc Vandeputte, expert ACS chez Agora, font part de résultats très encourageants. Acacia, outil en ligne gratuit, permet de composer le mélange le plus adapté à sa situation. Frédéric Rémy utilise ainsi un mélange avec de la féverole, de la phacélie, de l'avoine brésilienne, de la vesce et du trèfle d'Abyssinie, avec au moins 250 grains semés/m2. Il utilise la méthode Merci pour évaluer les restitutions du couvert, ce qui lui permet d'économiser des apports d'azote : 55 unités sur du lin et 60 pour le tournesol. «Le couvert est couché au rouleau Cambridge dès le début de la floraison, puis mulché dès les premiers gels», témoigne-t-il. Au final, des économies globales évaluées à 235 EUR/ha (engrais, carburant, main-d'oeuvre, tracteur), de quoi supporter les récentes hausses de charges ! L'agriculture bas carbone, bonne pour la planète et pour le porte-feuille ?

- © DLC

Jean-François Clervoy, la tête dans les étoiles, les pieds sur terre

L'ancien astronaute est venu présenter son expérience dans les missions spatiales et les conditions de leur réussite. Une sélection rigoureuse, un entraînement long et un apprentissage de toutes les machines qui servent à bord. Il insistait sur la préparation psychologique et l'esprit d'équipe nécessaires à la réussite de la mission. Conditions transposables à toute activité terrestre : avoir une vision commune, un objectif partagé, se faire confiance, c'est-à-dire reconnaître les compétences de chacun et pratiquer l'écoute active et enfin, accepter la dépendance mutuelle. «L'expérience, c'est ce qu'on retient des erreurs auxquelles on a survécu», concluait-il.

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