À Bruxelles, âpres discussions sur la nature et le commerce
L’ordre du jour était chargé pour les ministres de l’Agriculture qui se sont réunis le 20 mars à Bruxelles. Entre marchés, commerce, restauration de la nature et pollinisateurs, ils se sont surtout focalisés sur le Mercosur, la restauration de la nature et la guerre en Ukraine.
C’est autour du ministre suédois des Affaires rurales, Peter Kullgren, du commissaire à l'Agriculture, Janusz Wojciechowski, et du commissaire à l'Environnement, Virginijus Sinkevicius, que le conseil européen des ministres de l’Agriculture s’est tenu pour aborder, en premier lieu, les accords de libre-échange (ALE) que l’Europe négocie actuellement : Australie, Mexique, Chili, Indonésie, Inde, Mercosur et Nouvelle-Zélande notamment. Le sujet est d’autant plus délicat qu’il crispe de très nom-breux acteurs, en particulier les organisations agricoles qui réclament la mise en place des mesures et de clauses-miroirs. Le commissaire au Commerce international, Valdis Dombrovskis, espère une signature de l’ALE avec la Nouvelle-Zélande «avant l’été» et une conclusion des ALE avec l’Australie et avec l’Indonésie «avant la fin de l’année». Le prochain round de négociations aura lieu en avril et sera suivi de discussions politiques concernant les produits agricoles sensibles, notamment la viande bovine et ovine et le sucre. Le prochain sommet entre l’UE et les 33 pays membres de la Communauté des États latino-américains et de la Caraïbe (Celac), les 17 et 18 juillet prochains, devraient être l’occasion «d’avancer sur le dossier du Mercosur», a laissé entendre Valdis Dombrovskis. D’autant que l’Espagne aurait pris à cette date, la présidence de l’Union europenne. Cependant, la Commission ne souhaite pas rouvrir l’accord sur le dossier agricole, a indiqué le commissaire, justifiant ses propos par le fait que «les négociations ont abouti sur un équilibre délicat».
Études d’impact
L’autre sujet sensible de ce Conseil agricole a porté sur la proposition relative à la restau-ration de la nature. Celle-ci pré-voit notamment la mise en place de mesures de restauration sur 20 % des zones terrestres et marines d’ici à 2030 et sur 100 % des zones ayant besoin d’être restau-rées à 2050. En 2030, au moins 30 % des zones dont l’état n’est pas bon doivent être restaurées (90 % en 2050). C’est sur ces indicateurs que s’opposent les organisations agricoles, car ils fixent des objectifs de résultats juridiquement contraignants sans évaluation préalable de faisabilité. Ces indicateurs s’intéressent notamment à la présence de papilons de prairies, aux populations d’oiseaux communs ou encore à la part des terres agricoles pré-sentant des particularités topo-graphiques à haute diversité (10 % en 2030). Lors de son tradition-nel rendez-vous d’avant Conseil avec Janusz Wojciechowski, la présidente de la FNSEA et du Copa, Christiane Lambert, lui a rappelé que «toutes les décisions à prendre devaient être précé-dés d’études d’impact». Ce qui inquiète encore plus les agricul-teurs, c’est que ces indicateurs pourraient être retenus par la Pac réformée après 2027 et dans les zones Natura 2000.
Le gouvernement français défend les accords de libre-échange
À l’occasion du lancement de la semaine de l’export, les ministres du Commerce extérieur et de l’Agriculture ont défendu le principe des accords de libre-échange, en dépit des réticences du monde agricole et des inquiétudes sur les conclusions de celui en négociation entre l’UE et le Mercosur.
«Pour réduire notre déficit commercial, nous avons besoin d’accords de libre-échange, je le dis sans fausse pudeur», a lancé Olivier Becht, le ministre délégué en charge du commerce extérieur le 28 mars dernier, en préambule de la «semaine de l’export». Aux côtés de son homologue en charge de l’Agriculture, Marc Fesneau, le ministre inaugurait à Bercy une journée consacrée à la promotion des récents accords commerciaux signés par l’Union européenne, notamment avec la Nouvelle-Zélande et le Chili, auprès des entre-prises.
Alors que le monde agricole a manifesté ses craintes sur les conséquences de ces deux accords et s’inquiète des velléités de la Commission européenne de faire aboutir à marche forcée le traité en négociation avec le Mercosur, les deux ministres ont insisté sur les conditions nouvelles imposées par l’Union européenne dans les négociations et sur les profits potentiels que les entreprises agricoles et alimentaires pourraient en tirer. «Le traité avec la Nouvelle-Zélande est le premier d’une longue série d’accords qui intègrent désormais l’aspect environnemental avec la mise en œuvre des accords de Paris et le règlement européen sur la lutte contre la déforestation et l’aspect social avec la prise en compte du droit du travail à travers les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT)», a détaillé Olivier Becht.
Conscient des inquiétudes des agriculteurs sur la mise en place des mesures miroir, le ministre en charge du commerce extérieur a assuré son collègue de la rue de Varenne de sa volonté «d’aller plus vite sur leur exécution et sur la mise en œuvre des mesures de sauvegarde et de faire lever les barrières tarifaires ou non tarifaires que certains états pratiqueraient en violation des accords de commerce».
Effets de seuil pour la viande
secteurs. «Les filières animales et notamment bovines ont le sentiment que c’est sur elles, contre elles ou sans elles que se jouent les traités internationaux. Nous avons besoin d’être vigilants sur les effets de seuil qui peuvent déstabiliser des filières et d’y réfléchir sereinement», a-t-il expliqué, assurant que l’accord du Ceta conclu avec le Canada avait été «positif pour l’agriculture et l’agroalimentaire française».
Les deux ministres ont cependant insisté sur l’utilisation offensive qui pouvait être faite de ces accords. «Ce sont des instruments qui doivent nous permettre de partir à la conquête de nouveaux marchés», a poursuivi Olivier Becht, déplorant que 30 % des entre-prises françaises n’utilisent pas les termes de ces accords dans leurs échanges avec les pays concernés. «Nous avons besoin de développer une culture de l’export dans le secteur agroalimentaire», a ren-chéri Marc Fesneau, souhaitant «que d’autres filières que les vins et spiritueux, les céréales ou les produits laitiers s’y investissent». À propos du dispositif d’accompagnement des entreprises à l’ex-port, le ministère de l’Agriculture a annoncé le renouvellement de sa convention-cadre avec Business France et de la concession avec Sopexa. Les deux ministres tenteront de faire progresser la cause des exportations françaises lors de la visite officielle du président de la République jusqu’au 8 avril prochain à laquelle ils devaient participer.
Ukraine : une aide pour les agriculteurs bulgares, polonais et roumains
56,3 millions d’euros (M€). C’est la somme que le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, propose d’allouer aux agriculteurs bulgares, polonais et roumains pour compenser la hausse des importations de produits agricoles ukrainiens dans ces trois États. En juin 2022, Bruxelles avait officiellement supprimé les barrières tarifaires pour une durée d’un an pour les importations ukrainiennes afin de soutenir l'économie du pays attaqué par la Russie. Il est à noter que les trois États peuvent compléter cette aide européenne à hauteur de 100 %, ce qui amènerait le montant total du soutien aux agriculteurs impactés à 112,6 M€.
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