2020, l'année de toutes les interrogations
La crise sanitaire a stoppé net le démarrage d'une année touristique qui s'annonçait sous les meilleurs auspices avec des jours fériés bien placés qui laissaient prévoir une forte fréquentation en France et dans l'Oise.
Dès le début du confinement, les coups de fil d'annulation se sont multipliés chez les professionnels du tourisme, y compris chez les agriculteurs qui reçoivent du public à la ferme. Malgré une météo exceptionnellement propice, avril et mai se sont écoulés dans le silence et l'attente de jours meilleurs pour les hébergeurs.
La réouverture possible des établissements suite à la levée des mesures de confinement, et malgré des règles sanitaires strictes, a permis une nette reprise de l'activité. L'Oise étant à moins de 100 km de la région parisienne, de nombreux Franciliens ont choisi le département pour se mettre au vert. La demande a été soutenue pour les longs week-ends de l'Ascension et de la Pentecôte.
La période estivale est plus timide, avec quand même des réservations par une clientèle essentiellement française qui ne souhaite pas séjourner sur la côte où l'épidémie donne des signes inquiétants de reprise. Aucune statistique à ce jour ne permet de dégager des tendances fortes. La réservation dernière minute semblant être la norme, il est difficile de prévoir les taux de réservation pour août et septembre.
Néanmoins, les hébergements ruraux ont l'avantage de la tranquillité et assurent aux clients d'être seuls, sans la promiscuité et avec des garanties sanitaires ; gîtes et chambres d'hôtes pourraient bénéficier d'un report de choix depuis des zones fréquentées et vécues comme potentiellement à risque.
Un département touristique
Dans de telles circonstances, l'Oise peut mettre en avant ses avantages : des sites remarquables, des axes de transport, des forêts, des parcs d'attraction. En 2019, 11,5 millions de visiteurs sont venus, 9 millions d'excursionnistes et de visiteurs à la journée et 2,5 millions de touristes, visiteurs séjournant une ou plusieurs nuits. Il sont dépensé 620 millions d'euros : 109 EUR est le coût moyen d'une excursion pour le groupe et 516 EUR pour un séjour pour le groupe. 11.800 emplois sont voués au tourisme, soit 6,4 % des emplois de l'Oise.
En 2019, presque 1,9 millions de nuitées ont été vendues dans le département dont 1,3 en hôtellerie (70 %) ; le reste se partage essentiellement entre l'hôtellerie de plein air (9 %), les locations en meublés (10 %) et les chambres d'hôtes (8,5 %). L'offre en meublés de tourisme (labels Gîtes de France et Clévacances) s'accroît avec 165 sites pour 973 lits en 2019. Les nuitées ont bondi de 11 % en 3 ans, avec un taux d'occupation porté à 70 % en raison de la clientèle de chantier, avec une durée moyenne de séjour de 9 nuits. Le panier moyen par client était de 659 EUR.
À l'inverse, les chambres d'hôtes (labels Gîtes de France et Clévacances) ont vu leur nombre baisser à 83 pour 578 lits car l'évolution de la règlementation conduit les petits établissements à fermer. Le panier moyen par client est de 164 euros par client. Dans le même temps, les offres des plateformes Airbnb et Homeaway se sont développées : + 134 structures et + 5 % de lits en plus. Le nombre de nuitées a augmenté de 26 % entre 2018 et 2019, avec un panier moyen par client de 125 EUR pour un logement entier, 50 EUR pour une chambre privée et 75 EUR pour une chambre partagée, sans compter les frais de service des plateformes, ni les taxes.
Les campings, aires naturelles et campings à la ferme sont stables ou en légère baisse en offre, mais leur fréquentation a augmenté de 25 % en 3 ans, avec un taux d'occupation de presque 31% pour une moyenne de 2,7 nuits. 1.336.421 visiteurs ont fréquenté les sites culturels dans l'Oise en 2019 : châteaux de Chantilly, Pierrefonds, Compiègne, cathédrale de Beauvais, clairière de l'Armistice, musée de la tapisserie... Ce sont les sites de loisirs (parc Astérix, Saint-Paul et Mer de sable, base de loisirs de Saint-Leu-d'Esserent...) qui ont accueilli le plus de visiteurs : 3.339.666 en 2019
«Plus de clientèle française et des réservations dernière minute»
À Neuve Rue, hameau d'Oursel-Maison, Odile et Sébastien Fontana sont des précurseurs en terme de diversification puisque c'est en 1989 qu'ils se sont lancés dans l'agritourisme, à une époque où cette activité était marginale dans le département. «Nous n'avions qu'une petite exploitation de 35 ha en polyculture et nous disposions d'un terrain que nous souhaitions valoriser. Nous avons opté pour un camping à la ferme car les investissements, sanitaires, branchements et plantations, étaient supportables», témoignent ces jeunes retraités de l'agriculture.
Ils pensaient alors avoir une clientèle de résidents secondaires qui laissent leur caravane à l'année et viennent y passer week-ends et vacances, ce sont finalement des touristes qui ont investi les lieux, privés d'emplacements suite aux fermetures de nombreux campings municipaux.
«Nos principaux clients sont des Hollandais qui font une étape de quelques jours avant de rejoindre la Bretagne, la Normandie ou le Sud de la France. Nous recevons également des Belges et, depuis quelques années, des personnes du Nord-Pas-de-Calais, sans doute curieux de visiter la nouvelle entité régionale Hauts-de-France», explique Odile Fontana.
Les clients sont souvent des retraités ou des parents sans enfants, ou alors des jeunes couples avec enfants en bas âge, qui viennent chercher le calme et le contact avec le nature. Les Fontana ont rapidement amélioré leur offre en proposant le location d'un gîte aménagé dans un ancien bâtiment.
Pour l'instant, l'année 2020 est en tout point exceptionnelle. «Dès le début du confinement, nous avons reçu de nombreuses annulations, essentiellement pour le gîte. En mars, l'activité du camping n'avait pas encore démarré. Puis, à la fin du confinement, comme nous sommes à moins de 100 km de la région parisienne, le gîte et le camping ont été remplis pendant les grands week-ends de l'Ascension et la Pentecôte. Les clients étaient même agréablement surpris de découvrir qu'il y a de jolis coins de verdure en Picardie !», sourit Sébastien Fontana.
Depuis, avec l'annulation de la limite des 100 km, l'activité a fortement baissé, elle sera moins bonne que les années précédentes. Même le gîte n'est pas complet. «Il y a des personnes qui ont peur du Covid et qui ont préféré annuler leur réservation malgré les précautions sanitaires prises pour le nettoyage des locaux», se désolent les Fontana.
La clientèle étrangère n'est pas revenue, les Belges craignent un nouveau confinement ou l'impossibilité de repasser la frontière. Du coup, ce sont des Français qui occupent les six emplacements du camping. Ils visitent Gerberoy, Beauvais, mais restent surtout à se reposer et à profiter de la verdure. «Mais comme la tendance depuis quelques années est à la réservation dernière minute, nous espérons que le planning de location du gîte va se remplir», assurent Odile et Sébastien Fontana.
En attendant, ils continuent de croire à la vocation touristique du département et mettent la dernière touche au gîte collectif qu'ils viennent de créer de l'autre côté de la rue, dans un ancien bâtiment. De quoi ravir les groupes d'amis ou les familles qui veulent se retrouver pour quelques jours.
«Difficile de dresser un bilan à ce stade de la saison»
Même si Emmanuel et Chantal Thienpont, de Rosoy-en-Multien, sont des agriculteurs qui pratiquent la diversification depuis leur installation avec la production de confits de poires, d'oignons et de nombreux condiments, cela ne fait que 2 ans qu'ils ont ouvert deux chambres d'hôtes dans leur corps de ferme remarquable. «C'était la partie de la maison occupée par la grand-mère dans le temps et nous avons eu envie de partager ce lieu magnifique. Mais nous ne voulions pas créer un appartement. Nous avons donc aménagé une suite parentale pour 4 personnes et une chambre de 2 à l'étage, une cuisine, un salon et une pièce à vivre au rez-de-chaussée», détaillent les exploitants.
Ils ont réalisé une grande partie des travaux eux-mêmes pour limiter l'investissement, ont utilisé des matériaux anciens pour garder le cachet des lieux et souhaitent «être aux petits soins pour leurs clients.» C'est pour cela qu'ils n'accueillent en général qu'une seule famille à la fois.
Cette année a été particulière, notamment à l'annonce du confinement. «Une famille parisienne voulait venir passer deux semaines en télétravail et en quarantaine avant de pouvoir rendre visite à leurs parents qui sont dans la région. Comme nos enfants voulaient aussi revenir, nous avions des craintes quant à la capacité internet de notre installation de supporter autant de connections. Finalement, la famille a abandonné son idée et les chambres sont restées vides», témoigne Chantal Thienpont. Dès que la possibilité de se déplacer à 100 km a été annoncée, de nombreux Parisiens sont venus passer trois jours au vert. Auparavant, les hôtes ne restaient qu'une nuit, c'était souvent une étape ou une nuit avant de prendre l'avion à Roissy. Cette année, il s'agissait pour les hôtes de reprendre contact avec la nature à l'issue du confinement.
Les Thienpont commercialisent leurs chambres d'hôtes via Booking.com, Bienvenue à la ferme, Gîtes de France, Airbnb, Expedia et leur propre site internet. Ils voient déjà des clients revenir, charmés par le lieu hors du temps. Pour des raisons sanitaires, une nuit est gardée libre entre chaque réservation afin de pouvoir tout nettoyer et désinfecter. La prestation qu'ils proposent se situe entre la chambre d'hôte et le gîte. Ils assurent le petit déjeuner et le ménage régulier, les occupants peuvent cuisiner sur place. Résultat : une famille est restée deux semaines entières en juillet. «On sent que les clients sont inquiets par la crise sanitaire. Ils choisissent de venir à Rosoy-en-Multien car ils sont sûrs d'être loin de la foule. C'est pour cela que nous avons bien rempli les chambres depuis la fin du confinement. Nos clients sont plutôt des couples avec des jeunes enfants qui profitent de la terrasse, du jardin et de la piscine», précise Emmanuel Thienpont. Pour les mois d'août et septembre, c'est la grande inconnue, les réservations se font souvent à la dernière minute et la clientèle de salariés d'entreprise ne reviendra peut-être pas, préférant le télétravail auquel elle a goûté pendant le confinement.
Finalement, outre la qualité des lieux, les visiteurs sont agréablement surpris par la campagne environnante, verdoyante dans la vallée de l'Ourcq. Ils sont aussi étonnés de loger dans une exploitation agricole en activité. Emmanuel et Chantal Thienpont en profitent pour communiquer sur l'agriculture d'aujourd'hui et pour mettre à plat bon nombre d'idées reçues sur le métier. «Nous essayons, quand les personnes le désirent, d'établir une vraie relation avec nos hôtes, nous sommes à leur écoute. Parfois, nous les emmenons faire un tour en tracteur ou à bord de la moissonneuse-batteuse, ce dont ils sont ravis», confie Chantal Thienpont.
Vente de produits de la ferme
Pour ce qui est de leur activité de fabrication de condiments, les Thienpont vendent leur production dans des magasins fermiers ou spécialisés. Les ventes se sont tassées au printemps, mais c'est une période où les confits de poires et d'oignons se consomment moins. La question est de savoir si leurs divers distributeurs vont survivre à la crise à l'automne et pouvoir continuer à vendre les productions dont les Thienpont ne cessent d'élargir l'offre. Derniers nés : le poiré, le vinaigre de poiré et celui de framboises, élaborés à partir de leur verger de poiriers anciens, de poires à cuire. «Nous devons faire connaître ces nouveaux produits et nous participons pour cela au marché fermier du Conseil départemental», détaillent les exploitants. À l'automne, ils se sont inscrits à une formation pour créer une table d'hôtes. «Nous servirons nos condiments et utiliserons les fruits et légumes de notre potager.»
Malgré l'évolution incertaine de la pandémie, Emmanuel et Chantal Thienpont se donnent tous les moyens pour faire vivre ce lieu et le partager avec leurs hôtes de passage. «Cela donne un sens à notre travail d'agriculteurs et d'accueil à la ferme.» On ne peut imaginer plus belle démarche.
«Moins d'entreprises et plus d'origine Île-de-France»
Dominique Petit est récemment retraitée de l'agriculture, mais elle continue avec passion de tenir ses gîtes à Rémérangles. Il s'agit de deux bâtiments de l'exploitation rénovés en 2002 et 2004. «Il s'agissait alors de valoriser un bâti existant qui n'avait plus d'usage agricole et de rechercher d'autres revenus», témoigne-t-elle.
Depuis, elle accueille beaucoup de salariés qui sont logés par leur entreprise pour une mission, ainsi que des familles pour des week-ends, des fêtes de famille, des mariages... Elle a aussi logé beaucoup d'étrangers par le passé, des Hollandais et des Anglais surtout, et même des étudiants d'UniLaSalle Beauvais avant la construction d'hébergements sur le campus de l'école.
Cette année, personne pendant le confinement, bien entendu, mais dès l'annonce de la possibilité de circuler dans un rayon de 100 km autour de chez soi, le téléphone de Dominique Petit a beaucoup sonné. «Une clientèle originaire de l'Île-de-France est venue se mettre au vert, des personnes qui avaient besoin de prendre l'air et qui n'ont pas bougé de leur séjour. Ils apprécient le jardin, le barbecue, la table dehors. J'ai en ce moment une grande famille qui a loué les deux gîtes pour deux semaines, alors qu'ils avaient l'habitude d'aller dans le Sud. Ils apprécient le calme, ils ne souffrent pas de promiscuité et en profitent pour visiter l'Oise, Chantilly, le parc Astérix, le parc Saint-Paul, Pierrefonds...», témoigne la propriétaire. Pour l'instant, la clientèle d'entreprise revient timidement, Dominique Petit imagine une reprise de l'activité dans ce domaine plutôt en septembre. «Ce sera sans doute des réservations dernière minute, comme souvent. Je pense que j'aurai une meilleure visibilité après le 15 août. J'ai quand même eu ces derniers mois des annulations pour des mariages, des communions, des fêtes de famille, mais qui sont reportés en 2021.»
Pourtant, tout est mis en oeuvre pour rassurer les occupants. Gîtes de France a édité un guide de consignes sanitaires que Dominique Petit applique scrupuleusement. Cela fait plus de travail car il ne s'agit plus de nettoyer, mais de nettoyer et désinfecter les locaux. «De ce fait, je laisse deux jours de vide entre chaque occupation, mais je suis aussi beaucoup plus souple sur les jours d'arrivée et de départ. Au final, j'ai peu de questions de mes hôtes sur ce sujet, je pense qu'ils me font confiance.» Pour l'instant, les deux gîtes sont moins remplis que les années passées, surtout à cause du manque-à-gagner généré par la période de confinement.
Mais Dominique Petit n'est pas restée sans rien faire, elle en a profité pour patiner les meubles de ses gîtes : «c'est moins sombre que les meubles en bois et il faut aussi investir régulièrement pour garder des hébergements au niveau et au goût du jour.» Même si accueillir des hôtes demande du travail, le plaisir de la rencontre et de faire découvrir sa région reste un bon moteur.
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